Vente immobilière : l’agent doit-il vérifier la solvabilité?
L’agent immobilier a-t-il le devoir de vérifier ou signaler le risque d’insolvabilité de l’acquéreur qu’il présente ?
Oui. Il ne suffit pas d’organiser la vente : l’agent immobilier doit aussi informer, conseiller, et alerter sur les risques, notamment ceux liés à la solvabilité de l’acquéreur.
Voici une illustration fondée sur une histoire vraie.
Le contexte
En 2014, Monsieur et Madame Z confient la vente de leur maison, située dans l’Oise, à une agence immobilière.
Un mandat simple est signé pour un prix de 160 000 € et une commission d’agence fixée à 10 000 €.
Peu après, le 22 septembre 2014, un compromis est signé avec un acquéreur. Celui-ci déclare ne pas recourir à un prêt.
Une vente qui tourne court
La signature de l’acte authentique est prévue pour le 16 décembre 2014.
Mais l’acquéreur ne verse aucun fonds et ne se présente pas au rendez-vous chez le notaire.
Le lendemain, une résiliation amiable est convenue. L’acquéreur s’engage à verser 27 000 € de dédommagement, dont 10 000 € pour la commission d’agence.
Il ne paiera jamais.
Action en justice
Les vendeurs assignent l’acquéreur… et l’agence immobilière, estimant avoir été mal conseillés.
Le tribunal leur donne raison sur les deux fronts :
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L’acquéreur est condamné à leur verser 27 000 €,
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L’agence est condamnée à leur verser 10 000 € de dommages et intérêts.
L’appel : revirement
L’agence fait appel. La cour d’appel d’Amiens la dédouane.
Elle estime que :
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Toutes les conditions de la vente étaient connues au moment du compromis,
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Les vendeurs étaient libres de signer ou non,
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L’agence n’a pas commis de faute.
Le pourvoi en cassation
Les vendeurs ne s’arrêtent pas là. Ils estiment que l’agence :
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Aurait dû vérifier la solvabilité de l’acquéreur,
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Ou au minimum les alerter sur les risques encourus.
Ils rappellent qu’ils ont subi un préjudice important, la maison ayant été revendue à un prix inférieur.
L’arrêt de la Cour de cassation
11 décembre 2019 – RG n°18-24.381
La Cour leur donne raison.
Elle juge que l’agence aurait dû :
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Conseiller aux vendeurs de prendre des garanties,
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Et surtout les mettre en garde contre le risque d’insolvabilité de l’acquéreur.
Ce devoir de mise en garde s’impose à tout professionnel de l’immobilier, quelle que soit la forme de son exercice.
Ce qu’il faut retenir
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L’agent immobilier ne doit pas se contenter de présenter un acquéreur.
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Il doit s’assurer de sa solvabilité ou, à défaut, informer clairement les vendeurs des risques encourus.
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Ce devoir de mise en garde est une obligation professionnelle, source de responsabilité en cas de manquement.
En résumé
La Cour rappelle que la mission de l’agent immobilier ne s’arrête pas à la signature du compromis.
C’est un devoir de conseil et de prudence qui engage sa responsabilité s’il manque à ses obligations.
