Responsabilité de l’architecte : les limites du droit

Juil 25, 2023 | Construction/travaux, Immobilier | 0 commentaires

La responsabilité de l’architecte peut-elle être engagée en cas de construction non conforme aux plans ?

C’est une question fréquente, notamment en cas de désaccord entre les attentes du maître d’ouvrage et le résultat final de la construction. Que se passe-t-il si les hauteurs sous plafond prévues ne sont pas respectées ? Ou si des défauts structurels apparaissent, alors même que les plans semblaient clairs ? La jurisprudence est sans équivoque : l’architecte peut être tenu responsable, mais à certaines conditions.

Voici une illustration de ce concept, fondé sur une histoire vraie!

Une maison aux plafonds trop bas 

En 2006, un couple fait appel à un architecte pour la construction d’une maison, au prix de 250 000 €. Il est prévu une belle hauteur sous plafond, au rez-de-chaussée comme à l’étage.

En 2008, la maison est achevée, mais le couple constate une série de défauts :

  • Hauteur sous plafond au rez-de-chaussée : 2,48 m au lieu des 2,70 m prévus ;

  • À l’étage : entre 2,20 et 2,22 m au lieu des 2,50 m.

Une expertise judiciaire révèle que ces défauts sont dus à l’oubli d’intégration du plancher chauffant lors de la conception.

L’architecte et l’entreprise condamnés… jusqu’en cassation

Le couple assigne l’architecte et l’entreprise. En première instance, ils sont condamnés solidairement à verser 200 000 € de dommages et intérêts.

En appel, la somme grimpe à 320 000 €, correspondant au coût d’une démolition-reconstruction de la maison.

L’architecte forme alors un pourvoi en cassation. Il soutient que cette réparation est manifestement excessive au regard du dommage réellement subi.

Ce qu’a jugé la Cour de cassation (6 juillet 2023, n° 22-10.884)

La Cour casse l’arrêt d’appel. Elle rappelle que :

  • Lorsqu’un juge est saisi d’une demande de démolition-reconstruction fondée sur des non-conformités, il doit vérifier, si cela lui est demandé, s’il existe une disproportion manifeste entre :

    • le coût des travaux pour le débiteur de bonne foi (ici, l’architecte),

    • et l’intérêt pour le créancier (le maître d’ouvrage), au vu des conséquences du défaut.

  • En cas de disproportion manifeste, les dommages et intérêts doivent être calculés en fonction des seules conséquences dommageables, conformément au principe de réparation intégrale sans perte ni profit.

La cour d’appel, en se basant uniquement sur le coût comparé des solutions (réparation vs. reconstruction), n’avait pas donné de base légale suffisante à sa décision.