Un syndicat de copropriétaires peut-il faire cesser une activité interdite, même si d’autres irrégularités sont tolérées dans l’immeuble ?
Oui. La violation du règlement de copropriété constitue un trouble manifestement illicite, même si d’autres copropriétaires ne le respectent pas non plus.
Le contexte
En Nouvelle-Calédonie, sur l’île de Grande Terre, un copropriétaire exerce chez lui une activité artisanale de fabrication d’achards — spécialité locale à base de légumes macérés et d’épices.
Mais cette activité n’est pas du goût du syndicat des copropriétaires.
Le règlement est clair
Le règlement de copropriété prévoit que l’immeuble est exclusivement destiné à l’habitation, avec une tolérance pour les professions libérales.
L’activité de fabrication alimentaire ne rentre pas dans ces catégories.
Le syndicat met donc en demeure la copropriétaire, Mme H, de cesser son activité. Elle refuse.
La procédure en référé
Le syndicat assigne Mme H en référé, devant le juge de l’évidence, pour trouble manifestement illicite.
Mais les juges du fond (juge des référés puis cour d’appel) rejettent la demande.
Pourquoi ? Parce qu’ils relèvent que d’autres copropriétaires exercent eux aussi des activités interdites, et en déduisent une tolérance collective implicite.
Selon eux, cette tolérance empêche de qualifier la situation de violation manifeste.
Le pourvoi en cassation
Le syndicat forme un pourvoi. Il soutient que :
Une activité interdite par le règlement constitue en elle-même un trouble illicite,
Et cela relève bien de la compétence du juge des référés, sans qu’il soit besoin d’apprécier le niveau de tolérance dans la copropriété.
L’arrêt de la Cour de cassation
18 janvier 2023 – RG n°21-23.119
La Cour de cassation casse l’arrêt d’appel.
Elle rappelle un principe fondamental : la violation du règlement de copropriété est en soi un trouble manifestement illicite.
Et ce, même si d’autres infractions au règlement existent. La tolérance de certains ne légitime pas une infraction.
Ce qu’il faut retenir
Le règlement de copropriété a une valeur contractuelle. Il s’impose à tous les copropriétaires.
Une infraction à ce règlement peut justifier une action en référé, sans que le juge n’ait à apprécier une prétendue « tolérance collective ».
En résumé
L’existence d’autres irrégularités dans la copropriété n’efface pas celle que l’on conteste.
Le syndicat peut donc agir, même si d’autres situations similaires n’ont pas été poursuivies.
Moralité
En copropriété, tolérer une infraction n’équivaut pas à l’accepter juridiquement.
Et surtout : un règlement mal appliqué reste un règlement opposable.