Une action en copropriété peut‑elle être irrecevable pour cause de prescription ?
Le temps est-il l’ennemi des copropriétaires qui s’estiment lésés ? En matière de copropriété, ne pas agir à temps peut condamner vos revendications à être jugées irrecevables. Qu’en est-il en cas d’appropriation de parties communes ou de modifications non autorisées ?
Contexte : surélévation et terrasse non autorisée
En 1997, Monsieur et Madame T, copropriétaires, obtiennent l’autorisation en assemblée générale pour créer une chambre supplémentaire en surélévation dans leur villa. Ils vont plus loin : ils construisent également une terrasse prolongée sur une coursive située sur une partie commune, sans autorisation.
En 2009, leurs voisins, Monsieur et Madame Z, déclenchent une expertise judiciaire. En 2017, forts du rapport, ils assignent Monsieur et Madame T afin d’obtenir la démolition de la surélévation et de la terrasse illicites.
Décision des juges : irrecevabilité pour cause de prescription
Le tribunal puis la cour d’appel jugent l’action de Monsieur et Madame Z irrecevable pour prescription. Trop de temps s’était écoulé depuis les travaux.
Ce que défendent les plaignants en cassation
Pour la surélévation : ils estiment que le délai devait commencer non pas à l’achèvement des travaux, mais à l’assemblée générale ayant fixé leur dette de copropriété.
Pour la terrasse : selon eux, il ne faut pas appliquer le délai de 10 ans de l’article 42 de la loi du 10 juillet 1965, mais plutôt la prescription trentenaire de l’article 2227 du Code civil.
La réponse de la Cour de cassation
La décision est partagée :
Surélévation : la Cour confirme que le délai de prescription est bien de 10 ans à compter des travaux réalisés (article 42 de la loi du 10 juillet 1965). L’action est donc irrecevable.
Terrasse : considérant qu’il s’agit d’une appropriation d’une partie commune, la Cour retient que la prescription de 30 ans s’applique (article 2227 du Code civil). L’action n’est donc pas irrecevable.
Enjeux pour les copropriétaires
Surélévation ou modification du lot privatif
L’action doit être engagée dans les 10 ans suivant l’achèvement des travaux, sous peine d’irrecevabilité.
Atteinte aux parties communes
L’appropriation ou la transformation non autorisée d’une partie commune permet une action jusqu’à 30 ans après les faits.
Enseignement
Le temps ne pardonne pas en droit de la copropriété : agir rapidement est essentiel pour garantir la recevabilité de vos actions. Le délai dépend de l’objet du litige — 10 ans pour le lot privatif, 30 ans pour les parties communes.