Condition suspensive de prêt : rôle et enjeux juridiques
Une promesse de vente ASSORTIE d’UNE DEMANDE DE PRET
« Je n’ai fait qu’une faute, c’est de n’être pas parti dès que je t’ai vue. » – Marivaux, Le Jeu de l’amour et du hasard.
C’est un peu ce que cette société aurait pu se dire en repensant à la vente qu’elle avait conclue avec Monsieur et Madame D.
Le 29 mars 2017, un compromis de vente est signé.
La transaction est assortie d’une condition suspensive d’obtention d’un prêt immobilier : 241 000 € sur 2 ans.
Les acquéreurs versent 5 000 € à titre de dépôt de garantie, et la clause pénale est fixée à 22 500 €.
Quand le financement ne suit pas
L’annonce de la défaillance
Le 24 mai 2017, les époux D notifient à la société qu’ils ne peuvent obtenir le prêt.
Ils souhaitent donc se retirer de la vente.
Première manche judiciaire
Le tribunal judiciaire de Grenoble leur donne raison et ordonne la restitution du dépôt de garantie.
Un appel aux arguments multiples
Les reproches du vendeur
En appel, la société estime que :
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Les acquéreurs avaient obtenu un accord de principe d’une banque.
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Le refus invoqué ne correspondait pas aux stipulations prévues par le compromis.
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C’est aux acquéreurs eux-mêmes que l’on doit les caractéristiques du prêt… donc l’impossibilité de l’obtenir.
La décision de la cour d’appel
La cour reconnaît qu’aucune banque n’aurait accordé ce prêt vu les ressources du couple.
Mais elle leur reproche une légèreté blâmable et applique la clause pénale, réduite toutefois à 5 000 €, soit le montant du dépôt de garantie.
La cassation : retour aux principes
Le raisonnement de la Haute juridiction
Dans son arrêt du 9 novembre 2023 (RG n° 22-13.900), la Cour de cassation casse l’arrêt d’appel et rappelle deux points fondamentaux :
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Une condition suspensive est réputée accomplie si celui qui y a intérêt en empêche l’accomplissement.
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Si les capacités financières de l’acquéreur rendaient le prêt inaccessible, la défaillance de la condition ne peut lui être imputée.
L’accord de principe vidé de sa portée
La Cour souligne qu’un accord de principe bancaire n’a pas la valeur d’une offre ferme et définitive, et ne suffit donc pas à lever la condition suspensive.
MES CONSEILS d’AVOCAT SPECIALISTE EN DROIT IMMOBILIER
Pour le vendeur et l’agent immobilier
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Vérifier que la condition suspensive est réaliste au regard du profil de l’acquéreur.
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Ne pas se fier aveuglément à un accord de principe.
Pour l’acquéreur
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Respecter strictement les caractéristiques du prêt prévus dans le compromis.
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Conserver des preuves écrites des démarches auprès des banques.