« Ça été… mais tout un imbroglio » dit le Tavernier dans Kameloot.
Je vous raconte cette semaine l’histoire d’une locataire qui se plaignait de l’indécence de son logement.
Le 28 mai 2020, une SCI donne à bail à Madame D un appartement au loyer de 895 €.
Mais, quelques temps plus tard,Madame D se plaint de la qualité de son logement :
- la porte-fenêtre du séjour ne ferme pas correctement,
- certaines prises électriques ne sont pas reliées à la terre,
- le système de ventilation ne permet pas un renouvellement d’air efficace,
- la porte d’entrée laisse passer l’air, n’est pas hermétique.
En septembre 2020, un inspecteur de salubrité de la mairie le constate et la mairie demande au bailleur de faire des travaux sous deux mois.
Le bailleur n’intervient pas.
Le 5 mai 2021, la CAF prévient le bailleur qu’elle suspend le versement des APL jusqu’à réalisation des travaux de décence.
Le 1er juin 2021, la locataire saisit le tribunal pour, d’une part, voir fixer sa dette à l’égard de son bailleur à la somme de 698 € et, d’autre part, voir constater le caractère indécent du logement et obtenir la condamnation du bailleur aux travaux.
Le juge ne suit pas Madame D.
Il la condamne au paiement de la totalité des loyers y compris la part correspondant aux APL suspendues (2340 €).
Il retient que la preuve de l’indécence du logement n’est pas rapportée.
Ne se laissant pas démonter, Madame D interjette appel. La cour d’appel la déboute pour les mêmes raisons que le premier juge.
Mécontente, Madame D forme un pourvoi en cassation.
Elle reproche à la cour d’avoir fixé sa dette à 2340 € alors que lorsque la CAF constate qu’un logement n’est pas décent, le locataire n’est tenu que du montant du loyer déduction faite de l’APL et ce paiement partiel ne peut être considéré comme un défaut de paiement.
À votre avis, a-t-elle obtenu gain de cause ?
La réponse est oui.
Dans cet arrêt du 14 décembre 2023 (n° 22 – 23. 267), la Cour de cassation rappelle :
- Le logement doit être décent (article six de la loi du 6 juillet 1989),
- l’APL est versée, sur sa demande, au bailleur et ne peut l’être que si le logement est décent,
- Lorsque la CAF constate une non-décence, elle conserve l’appel jusqu’à la mise en conformité. Le locataire verse le reliquat entre le montant du loyer et le montant des appels.
Le bailleur ne peut réclamer le delta au locataire.
- S’il estime infondée la décision de retenue des APL, il peut s’adresser au juge administratif.
Deux enseignements à retenir :
- La contestation de la décision de suspension des APL pour indécence relève du juge administratif,
- le bailleur ne peut réclamer au locataire le delta. Et oui la suspension est une sanction contre le bailleur et non contre le locataire il s’agit donc par cette retenue de contraindre le bailleur à faire les travaux de décence du logement.