J’ai payé un professionnel pour faire les travaux, c’est sa responsabilité !
Vraiment ?
Je vous raconte cette semaine l’histoire de Monsieur et Madame V, propriétaires d’une confortable maison à la Martinique.
Ils vivent heureux et au calme dans cette maison à la vue dégagée, située sur une butte et sans construction à proximité. Le rêve !
En contrebas, leur voisine, une SCI entreprend la construction de villas et d’appartements.
Cependant, M et Mme V constatent que l’une des villas construite en contre-bas de leur maison empiète sur leur terrain.
Mais plus encore, les travaux voisins causent des dégradations chez eux :
- Leur muret, leur clôture et le dallage du sol ont été descellés,
- Leur dalle de parking est fissurée,
- La clôture s’est effondrée.
Ils saisissent la Justice et une expertise est ordonnée.
L’expert constate que la société chargée du terrassement a effectué un terrassement vertical sur toute la hauteur de la limite de propriété, sans aucune précaution ni respect des règles de l’art.
La société a ainsi fragilisé le talus dont la tête s’est effondrée.
La cour d’appel condamne la SCI, la société de travaux de terrassement et le maître d’œuvre à prendre chacun en charge notamment le tiers du prix des travaux de réparation, et notamment l’édification d’un mur de soutènement, comme cela aurait dû être fait avant la réalisation des travaux de construction de la villa.
La SCI forme un pourvoi en cassation.
Elle soutient en effet que le maître de l’ouvrage, qui a fait réaliser des travaux par des professionnels qui agissent en dehors de tout lien de subordination, ne peut répondre des désordres causés à des tiers que s’il a délibérément accepté ou voulu que ne soient pas prises les précautions qui s’imposaient.
A votre avis, a-t-elle obtenu gain de cause ?
La réponse est non.
Dans cet arrêt du 16.11.2022 (RG n°21-11.589), la Cour de cassation rejette le pourvoi.
La Cour de cassation approuve la Cour d’appel d’avoir considéré que le mur de soutènement avait été préconisé par la société de terrassement et n’avait finalement pas été réalisé en raison de la volonté de la SCI de maximiser le terrain utile de l’assiette des constructions en minimisant le coût de la construction.
Autrement dit, si l’entreprise de terrassement était responsable car les travaux avaient mal été réalisés, l’architecte maitre d’œuvre était responsable car il avait mal surveillé le chantier, le maître de l’ouvrage était lui aussi responsable pour avoir refusé l’édification du mur de soutènement.
En refusant l’édification d’un mur de soutènement, le maître de l’ouvrage a lui-même commis une faute et c’est ainsi qu’il doit indemniser ses voisins.
L’appât du gain ne fait pas toujours recette !