« Bien mal acquis ne profite jamais »
Je vous raconte cette semaine l’histoire d’un locataire d’un logement social qui entreprend de sous-louer via la plateforme air BnB d’une des chambres de son logement.
Quand son bailleur s’en aperçoit, sa colère sera digne de celle de Zeus.
Depuis 2004, Madame Z est titulaire d’un contrat de location d’un logement comportant trois chambres.
Ayant des difficultés à payer son loyer, en novembre 2014, elle décide de profiter de la plateforme air BnB pour proposer à la location l’une de ses chambres, tout en continuant à y vivre.
Son bailleur s’en aperçoit et l’assigne en résiliation de bail, la sous-location étant interdite par le contrat.
Il sollicite aussi que l’intégralité des loyers perçus par sa locataire lui soient versés.
Si le tribunal d’instance fait droit à la demande de résiliation et majore le loyer du de 10 % jusqu’à libération des lieux, la Cour d’appel infirme le jugement.
La cour d’appel estime en effet que le manquement n’était pas suffisant grave pour justifier la résiliation alors que le locataire n’avait sous-loué qu’en moyenne 3,5 nuitées par mois.
Et elle condamne la locataire à verser au bailleur une somme correspondant au profit généré par location air BnB, déduction faire de son propre loyer.
En clair, la location air BnB n’a pas permis à la locataire de faire un bénéfice mais lui a permis de payer entièrement son loyer.
Mécontent, le bailleur social forme un pourvoi en cassation.
Il soutient d’une part qu’en matière de logement social la sous-location est interdite et d’autre part que l’activité particulièrement lucrative à laquelle s’était livrée Mme Z est incompatible avec la destination du logement mis à disposition à des locataires dont les revenus ne dépassent pas un certain montant.
Il soutient également s’agissant des loyers perçus par Mme Z qu’ils devraient lui revenir entièrement, les fruits, au sens du code civil, appartenant au propriétaire.
A votre avis, a-t-il obtenu gain de cause ?
La réponse est oui.
Dans cet arrêt du 22 juin 2022 (RG n°21-18.612), la Cour de cassation casse l’arrêt d’appel.
Elle rappelle :
S’agissant de la question de la résiliation du bail :
Le bailleur peut faire résilier le bail lorsque le preneur l’utilise à une autre fin que celle prévue.
Les logements conventionnés ne peuvent faire l’objet d’une sous-location.
Dans ces conditions, la Cour d’appel ne pouvait décider que le nombre de nuits louées n’était pas suffisamment important pour justifier une résiliation.
S’agissant de la question des loyers perçus par le locataire :
La cour de cassation rappelle les dispositions des articles 548 et 549 du code civil, aux termes desquels les fruits produits par la chose n’appartiennent au propriétaire qu’à charge de rembourser les frais des labours, travaux et semences faits par le tiers (c’est un texte qui date de la création du code civil : 1804).
Et le simple possesseur ne fait les fruits siens que dans le cas où il possède de bonne foi.
La Cour de cassation en déduit que la Cour d’appel ne pouvait pas laisser au locataire une partie des loyers perçus.
En effet, dès lors que la sous-location était interdite, il était possesseur de mauvaise foi.
A retenir, si le contrat de location interdit la sous-location, le locataire ne peut pas céder aux sirènes d’air BnB ou toute plateforme.
A défaut, il s’expose à la résiliation de son bail c’est à dire la perte de son logement et à devoir restituer toutes les sommes qu’il aura perçues !
Comme disait Coluche, c’est le « Qui perd, perd ».