Risque pour la santé et garantie décennale
Qu’est-ce que la garantie décennale en cas de risque pour la santé ?
La garantie décennale couvre les dommages qui compromettent la solidité d’un ouvrage ou le rendent impropre à sa destination.
Mais que se passe-t-il si un défaut de construction fait peser un risque grave sur la santé des occupants, sans qu’aucune maladie ne se soit encore déclarée ?
C’est précisément la question posée à la Cour de cassation dans l’affaire que je vous raconte cette semaine.
Quand l’eau chaude devient… un danger sanitaire
« La vie est un risque, si tu n’as pas risqué tu n’as pas vécu » – Sœur Emmanuelle
Ce risque, cette copropriété s’en serait bien passée.
Il s’agit d’un immeuble acquis en vente en l’état futur d’achèvement (VEFA), dans lequel les copropriétaires rencontrent rapidement un problème :
L’eau chaude sanitaire met un temps anormalement long à arriver dans les appartements.
L’expertise révèle un vice de construction
Une expertise judiciaire est ordonnée. Le verdict tombe :
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Le circuit de distribution d’eau chaude est non conforme.
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La tuyauterie est anormalement longue, ce qui crée un risque de prolifération de légionelles, bactéries responsables de la légionellose, une infection pulmonaire grave.
La justice condamne… mais l’assureur décennal refuse d’indemniser
En l’absence d’accord amiable, le syndicat des copropriétaires assigne le constructeur et son assureur.
Le tribunal leur donne raison : ils doivent indemniser le syndicat.
Mais l’assureur forme un pourvoi en cassation. Pourquoi ?
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Selon lui, il n’y a pas de dommage décennal : le bâtiment est toujours debout, personne n’est tombé malade, donc l’ouvrage ne serait pas impropre à sa destination.
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Il soutient que le risque de légionellose ne s’est pas matérialisé dans le délai de 10 ans.
La décision de la Cour de cassation
Dans un arrêt du 14 septembre 2023 (RG n°22-13.858), la Cour rejette le pourvoi de l’assureur.
Elle juge que :
Un risque sanitaire grave suffit à caractériser l’impropriété à la destination de l’ouvrage, même si aucune contamination ne s’est encore produite dans le délai de la garantie décennale.
Autrement dit, le risque en soi suffit, dès lors qu’il est sérieux et documenté.
Ce qu’il faut retenir : en matière de santé, mieux vaut prévenir que guérir
Cette décision est importante pour les copropriétés et les occupants d’immeubles neufs.
Elle rappelle que la garantie décennale protège aussi contre les risques sanitaires potentiels, dès lors qu’ils rendent l’immeuble inadapté à un usage normal et sécurisé.
Une belle victoire pour les copropriétaires, et un rappel fort pour les assureurs : la prévention des risques est aussi couverte par la loi.