Vente et possession : pas de prescription pour le vendeur

Sep 8, 2021 | Les chroniques de la Justice, Vente immobilière | 0 commentaires

Prescription acquisitive : le vendeur débouté

Une vente immobilière… sans prise de possession

En 1983, un terrain situé à Paea, en Polynésie française, est vendu. L’acheteur ne prend jamais possession du bien, qui reste aux mains du vendeur.

En 2010, cet acheteur revend le terrain à un tiers. C’est à cette occasion que le vendeur de 1983 décide d’agir en justice.

Le vendeur revendique la propriété par prescription

Le vendeur assigne les parties à la vente de 2010 en nullité de la vente et revendication de propriété.

Il invoque la prescription acquisitive trentenaire prévue par l’article 2272 du Code civil, affirmant qu’il occupe le terrain depuis 1968, sans contestation, en qualité de propriétaire.

Selon lui, cette possession continue, paisible, publique, non équivoque et à titre de propriétaire lui permet d’être reconnu comme légitime propriétaire du bien… qu’il avait pourtant vendu.

Le beurre… et l’argent du beurre ?

La situation est paradoxale : le vendeur souhaite à la fois conserver le prix de la vente (le beurre), et récupérer la propriété du terrain (l’argent du beurre).

Les parties à la vente de 2010 contestent cette prétention.
Elles rappellent que le vendeur reste tenu d’une obligation de délivrance et de garantie, conformément au contrat initial.

La Cour de cassation rejette la prescription acquisitive du vendeur

Le tribunal, la cour d’appel, puis la Cour de cassation donnent raison aux acquéreurs successifs.

Dans cette affaire, la Cour rappelle que :

  • En vertu des articles 1626 et 1628 du Code civil, le vendeur d’un bien doit garantir l’acheteur contre toute éviction de son propre fait,

  • Le vendeur ne peut pas se retourner contre son propre acquéreur pour faire valoir une prescription acquisitive sur un bien qu’il a lui-même vendu.

En d’autres termes, le vendeur ne peut pas prescrire contre son acheteur.
Il ne peut pas conserver la propriété du bien tout en ayant encaissé le prix.

À retenir : la garantie d’éviction prime sur la possession

Cet arrêt rappelle un principe fondamental :
Un vendeur ne peut pas invoquer une prescription acquisitive sur un bien qu’il a cédé, même s’il en conserve la possession matérielle.

Sa garantie d’éviction empêche toute tentative de récupération du bien au détriment de l’acheteur.