Troubles de voisinage : démolition même avec permis

Déc 7, 2021 | Construction/travaux, Immobilier, Voisinage | 0 commentaires

Pensez‑vous qu’un permis de construire garantit l’absence de trouble pour les voisins ?

L’arrêt de la Cour de cassation du 20 octobre 2021 montre que ce n’est pas le cas.

Les faits clés

  • Une extension de maison construite en limite de propriété dans une zone de faible densité urbaine : 17 m de long, hauteur de 4 m, emprise au sol de 70 m².

  • Permis de construire initial du 24 novembre 2008, annulé le 19 juin 2012 ; nouveau permis du 16 janvier 2013, annulé le 12 avril 2018.

  • Les voisins (Monsieur et Madame R) assignent pour faire démolir la construction, alléguant un trouble anormal du voisinage : perte de vue dégagée, ombre portée, mur de parpaings.

Question juridique

L’article L.480‑13 du Code de l’urbanisme permet de demander la démolition si une construction viole des règles d’urbanisme, sous certaines conditions. Mais ici, la demande est fondée non sur les seules règles d’urbanisme, mais sur le principe des troubles anormaux du voisinage. Le permis annulé joue‑t‑il un rôle, ou non ?

Décision de la Cour de cassation (20 octobre 2021, RG n°19‑23.233)

  • La Cour approuve que le trouble anormal du voisinage est caractérisé : construction en limite, zone de faible densité, perte de vue, ombre importante, etc.
  • Elle rappelle que l’article L.480‑13 ne s’applique que lorsque la demande de démolition est fondée sur la méconnaissance de règles d’urbanisme ou de servitudes d’utilité publique. Ici, la demande est faite sur la base du trouble anormal du voisinage, donc un fondement autonome.

  • En conséquence, la démolition de l’extension est ordonnée, même si le permis existait, dès lors qu’il a été annulé, et surtout que le trouble était anormal dans les circonstances décrites.

Ce que cela signifie concrètement

Ce que vous devez vérifier Pourquoi c’est important
Si la construction crée une perte de vue, une ombre excessive, etc., dans un environnement peu dense Ces éléments peuvent suffire à constater un trouble anormal même si le permis a été obtenu précédemment
Si le permis a été annulé pour excès de pouvoir Cela permet de relier la légalité administrative au litige civil pour la démolition
Que le trouble excède les “inconvénients normaux du voisinage” Le juge apprécie ça au regard du contexte : densité, paysage, usage antérieur du voisinage, etc.

Conclusion 

À retenir

Un permis de construire ne protège pas contre une action civile fondée sur les troubles anormaux du voisinage. Si les conditions sont réunies (zone, densité, impact, perte de vue, ombre, etc.), la démolition peut être ordonnée.

Mon conseil d’avocate 

si vous êtes voisin concerné, rassemblez tous les documents (permis, plans, photos, témoignages) prouvant la perte de vue, l’ombre portée, etc. Si vous êtes bâtisseur, vérifiez la portance de vos constructions vis‑à‑vis des règles de voisinage au-delà du permis.