Retard de travaux et responsabilité du syndic

Mar 26, 2024 | Copropriété, Les chroniques de la Justice | 0 commentaires

«Dit c’est dit ! 

Mais dit quoi ?

Je vous raconte cette semaine l’histoire d’un syndic accusé par un copropriétaire d’avoir mal fait son travail.

 En 2010, le syndic est averti par un copropriétaire d’infiltrations causées par un défaut de joint des briques de l’immeuble ainsi que du gondolement d’une poutre en façade.

 À l’assemblée générale d’octobre 2010, le syndic indique que les devis ont été sollicités.

 En 2012, le syndic fait voter des travaux.

 Les travaux ne sont pas réalisés.

 Le 1er octobre 2013, le syndic saisit un architecte qui constate des affaissements structurels et diverses déformations notamment du plancher du premier étage.

 Le 3 octobre 2013, un étaiement est réalisé en urgence sur l’ensemble des niveaux pour stabiliser l’immeuble.

 Parallèlement, le 15 octobre 2013, la mairie prend un arrêté de péril imminent sur l’immeuble.

 Des travaux sont mis au vote de l’assemblée générale des copropriétaires en octobre 2016.

 Et ils sont réalisés en octobre 2018.

 Parallèlement l’une des copropriétaires, Madame D assigne le syndic afin qu’il soit condamné à prendre en charge le préjudice subi à raison de l’absence de travaux destinés à remédier à la situation pendant des années.

 Et elle obtient la condamnation de celui-ci à lui verser une somme de plus de 33 000 € au titre de son préjudice financier et de 36 000 € au titre de son préjudice de jouissance.

 Mécontent, le syndic interjette appel de la décision. Il plaide que lors de différentes assemblées générales la copropriétaire, comme un certain nombre d’autres copropriétaires, avait donné quitus de sa gestion au syndic.

 Il en déduisait que la copropriétaire ne pouvait ensuite exercer une action en responsabilité à son encontre puisqu’elle avait validé sa gestion.

 La cour d’appel retient toutefois que la mention générale de quitus dans les procès-verbaux d’assemblée générale n’est pas de nature à délier le syndic de ses obligations légales d’ordre public et des conséquences en termes de responsabilité.

 La Cour d’appel retient une négligence fautive du syndic à compter de l’année 2010 à l’origine du retard à faire réaliser les travaux et à l’origine de la pose d’un étaiement pendant une période de cinq ans.

 Elle confirme donc le jugement au titre du préjudice financier tout en réduisant le préjudice de jouissance à la somme de 18 000 €.

 Toujours mécontent, le syndic forme un pourvoi en cassation.

 Il soutient deux arguments :

  •  Le quitus donné par l’assemblée générale des copropriétaires interdit au syndicat des copropriétaires ainsi qu’aux copropriétaires ayant voté le quitus de rechercher la responsabilité du syndic à raison des faits ou des actes portés à leur connaissance lors du vote,
  •  Est seul indemnisé le préjudice en lien avec la faute commise. Or en l’occurrence le préjudice subi par la copropriétaire était lié à l’état de l’immeuble, lequel avait nécessité la pose des étaiements.

À votre avis, le syndic a-t-il obtenu gain de cause ?

La réponse est non.

Dans cet arrêt du 29 février 2024 (RG n° 22 – 24. 158) la Cour de cassation rejette le pourvoi.

S’agissant du quitus, la Cour de cassation indique que si le copropriétaire ayant donné quitus ne peut solliciter l’annulation de la résolution le constatant, en revanche il peut parfaitement rechercher la responsabilité pour faute du syndic pour obtenir réparation de son préjudice personnel.

Et s’agissant du préjudice indemnisable, la Cour de cassation retient que le syndic avait été alerté, dès 2010, sur l’urgence de remédier à des infiltrations mais :

  •  n’avait sollicité l’avis d’un architecte de structure qu’en 2013
  • n’avait soumis au vote de l’assemblée générale les travaux nécessaires qu’en 2016,
  • que les travaux n’avaient été mis en œuvre qu’en 2018.

 Il approuve donc la cour d’appel d’avoir considéré que la négligence du syndic était à l’origine du retard à réaliser les travaux.

 

Moralité

Un quitus ne protège pas le syndic contre une action en responsabilité (au passage en demande de l’ordre de l’intérêt d’un tel procédé)

Le syndic a tout intérêt à agir dans les meilleurs délais et en particulier à tracer toutes ses actions. Cela lui permettrait ensuite, si sa responsabilité était recherchée, de démontrer les diligences qu’il avait pu effectuer.