Réduction illégale de surface : action toujours possible ?
Un bailleur peut-il réduire unilatéralement la surface louée et espérer échapper à toute contestation du locataire après plusieurs années ?
C’est la question qui a été soumise à la Cour de cassation.
Contexte : réduction progressive et non autorisée de la surface louée
Le 15 décembre 1997, la société S donne à bail commercial à la société V un terrain de 105 ares, un grand garage, des bureaux et un second garage ouvert. Mais au fil des années, le bailleur reprend discrètement des portions de cette surface.
En 2008, il construit un bâtiment et un parking qu’il loue à un tiers. Puis il réduit encore l’assiette locative.
Au total, la locataire perd 37 % de la surface initialement louée, sans jamais donner son accord.
La réaction du locataire et la décision judiciaire
En 2018, la société V saisit la justice : elle demande la résiliation judiciaire du bail aux torts exclusifs du bailleur, ainsi que le paiement de diverses indemnités (préjudice de jouissance, éviction).
Le tribunal lui donne raison : il constate l’amputation de surface, résilie le bail aux torts du bailleur et accorde des indemnités.
Mais la société bailleresse fait appel, invoquant la prescription : selon elle, la première réduction de surface remonte à plus de 10 ans.
La cour d’appel retient cet argument, considère une partie des demandes prescrites, et réduit de moitié les indemnisations.
La réponse de la Cour de cassation (arrêt du 10 juillet 2025, n° 23-20.491)
La Cour casse l’arrêt d’appel.
Elle rappelle que le bailleur est tenu, pendant toute la durée du bail, d’assurer la délivrance et la jouissance paisible de la chose louée.
Il s’agit d’une obligation continue : tant que le manquement persiste, le point de départ du délai de prescription ne court pas.
Autrement dit, tant que le bailleur conserve une partie des surfaces reprises sans autorisation, l’action du locataire reste recevable, même plusieurs années après le début du trouble.
Mon conseil d’avocate spécialiste en droit immobilier
Pour les locataires :
N’attendez pas pour agir en justice. Une action rapide ne vous empêche pas de négocier.
Pour les bailleurs :
Le bail commercial fait la loi des parties. Vous ne pouvez pas réduire la surface louée sans l’accord exprès du preneur, même partiellement ou progressivement. Le moindre empiètement peut entraîner la résiliation du bail à vos torts et la condamnation à verser des indemnités.