Vente hors mandat : l’agent immobilier payé?

Sep 25, 2025 | Les chroniques de la Justice, Vente immobilière | 0 commentaires

La validité du mandat et l’impact de la clause post-contractuelle

Une vente conclue sans l’agent : le litige naît

Une agence immobilière présente un bien et un acquéreur à ses clients.
Pourtant, la vente se conclut sans elle, hors de sa présence, et sans le versement des honoraires prévus.

Estimant que la vente a été finalisée grâce à son intervention, elle saisit la justice.

Les faits : deux mandats de recherche, une vente deux ans plus tard

En septembre 2014, une famille propriétaire d’un établissement hôtelier confie un mandat de vente à une agence immobilière pour un prix de 65 millions d’euros.

Peu après, l’agence transmet le dossier à la société T.

En janvier 2016, cette société lui confie un mandat de recherche pour cet hôtel et un chalet attenant, au prix maximum de 56 millions, prévoyant une commission de 1,7 %.

En mai 2016, un second mandat de recherche est conclu, concernant uniquement le chalet, pour un montant maximal de 7 millions, avec une commission fixée à 5 %.

La vente du chalet intervient en 2018.

Mais l’acquéreur et le vendeur concluent directement entre eux, et déclarent à l’acte qu’aucune agence ne les a mis en relation.


La procédure : une bataille judiciaire sur deux fondements

L’agence immobilière réclame le paiement de sa commission à la société T.

Cette dernière refuse, au motif que les mandats étaient expirés depuis longtemps et que les clauses d’interdiction de traiter directement avec le vendeur n’étaient plus en vigueur.

L’agence saisit le tribunal de commerce de Chambéry, qui lui donne raison :
la société T est condamnée à lui verser 1.326.000 euros.

La cour d’appel confirme.
La société T forme alors un pourvoi en cassation, invoquant deux arguments.

Premier argument : l’absence du lieu de délivrance de la carte professionnelle

Selon la société T, le mandat est nul car il ne mentionne pas le lieu de délivrance de la carte professionnelle de l’agent immobilier.

La Cour de cassation, dans son arrêt du 11 septembre 2025 (RG n° 23-17.579), rejette cet argument.

Elle confirme que cette omission n’affecte pas la validité du mandat dès lors que l’agent immobilier était bien titulaire d’une carte professionnelle en cours de validité à la date de signature du mandat.

Second argument : la clause post-contractuelle de non-traitement

La société T soutient ensuite que la clause interdisant de traiter directement avec le vendeur ne s’appliquait plus au moment de la vente.

La Cour de cassation casse l’arrêt d’appel sur ce point.

Elle rappelle un principe issu de la loi Hoguet :

Lorsqu’un agent immobilier titulaire d’un mandat de recherche fait visiter un bien et que la vente se conclut ultérieurement entre les parties qu’il a mises en relation, la commission est due, sauf stipulation contraire ou faute prouvée de l’agent.

Elle reproche à la cour d’appel de ne pas avoir examiné la portée exacte de la clause contractuelle qui interdisait à l’acquéreur de traiter directement avec le vendeur, y compris après expiration du mandat, pendant une période déterminée.

La cour d’appel de renvoi devra donc vérifier si cette clause s’appliquait toujours au moment de la vente, et si le non-respect de cette interdiction justifie ou non le paiement de la commission.


À retenir : validité formelle du mandat et clauses postérieures

Cet arrêt illustre deux enseignements essentiels :

  • L’absence du lieu de délivrance de la carte professionnelle ne rend pas le mandat nul si l’agent immobilier peut justifier de sa détention effective et régulière.

  • Les clauses de non-traitement postérieures au mandat doivent être précisément analysées. Leur effet dans le temps peut conditionner le droit de l’agent immobilier à sa rémunération.