Etat des lieux : signature d’un tiers sans mandat

Nov 20, 2025 | Bail, Les chroniques de la Justice | 0 commentaires

La validité de l’état des lieux de sortie : un enjeu financier majeur

Le droit immobilier est un domaine où le détail juridique fait la différence entre gain et perte financière. Pour les professionnels de l’immobilier (syndics, administrateurs de biens, agences de gestion locative), la bonne exécution des obligations locatives, notamment lors du départ d’un locataire, est cruciale.

Qui doit signer l’état des lieux de sortie pour qu’il soit valable et opposable au locataire ?

Dans le cadre de la gestion locative, une question essentielle se pose souvent : l’état des lieux de sortie peut-il être valablement établi et signé par un tiers, même un proche du locataire, en l’absence de ce dernier ?

La règle du contradictoire

Pour être valable et servir de preuve pour la réparation d’éventuelles dégradations locatives, l’état des lieux de sortie doit être établi de manière contradictoire et amiable.

Cela signifie qu’il doit être signé par le bailleur (ou son mandataire) et le locataire (ou son mandataire dûment habilité). L’absence de l’une des parties ou la présence d’un tiers non mandaté rend l’acte non-contradictoire et, par conséquent, inopposable.

La réponse de la Cour de cassation : Inopposabilité de l’état des lieux

Dans son arrêt du 3 juillet 2025 (RG n°24-13.219), la Cour de cassation confirme que l’état des lieux de sortie n’est pas opposable au locataire si la personne qui a signé pour lui n’a pas prouvé son mandat. Le bailleur ne peut pas obtenir d’indemnisation pour les dégradations locatives sur la seule base de cet acte non-valable.

Le cas d’espèce : L’impératif de la preuve du mandat dans le litige

Le droit immobilier et les litiges de gestion locative exigent une rigueur procédurale absolue. L’affaire soumise à la Cour de cassation est un excellent exemple des conséquences d’un manquement à cette rigueur.

L’histoire d’un bailleur débouté par le Tribunal judiciaire de Lille

Monsieur H, le bailleur, a établi l’état des lieux de sortie avec une personne se présentant comme le père de son locataire. Or, le locataire était sous curatelle. L’état des lieux révélait des dégradations locatives pour lesquelles le bailleur a assigné le locataire, assisté de son curateur, devant le Tribunal judiciaire de Lille.

Cependant, le tribunal a débouté Monsieur H, jugeant l’état des lieux non-contradictoire. La personne signataire n’avait en effet pas reçu de mandat de la curatrice pour procéder à l’état des lieux.

Les arguments du bailleur face à la Cour de cassation

Dès lors, le bailleur a formé un pourvoi en cassation, soulevant deux arguments majeurs :

  • L’absence du locataire n’était pas de son fait.

  • Il démontrait la réalité des dégradations par la production de factures de travaux de réparation.

La décision finale : Absence de validité de l’état des lieux et recours obligatoire à un commissaire de justice

Dans son arrêt du 3.07.2025 (RG n°24-13.219), la Cour de cassation a rejeté le pourvoi. Elle a rappelé que l’établissement d’un état des lieux par un tiers exige impérativement que l’identité de ce tiers soit établie et que la preuve du mandat donné par le locataire et son curateur soit rapportée.

En effet, en l’absence de cet accord amiable et contradictoire, le seul recours pour le bailleur était de faire appel à un commissaire de justice (anciennement huissier) afin d’établir un état des lieux de manière unilatérale et probante, conformément à l’article 3-2 de la loi du 6 juillet 1989. L’état des lieux non-contradictoire et non réalisé par un commissaire de justice est sans valeur probante.

Mon conseil d’avocat spécialiste en droit immobilier

En tant qu’avocat spécialiste en droit immobilier, je rappelle aux professionnels que le « diable se cache dans les détails » des procédures.

Si vous êtes administrateur de biens ou agence de gestion locative, votre vigilance est votre meilleure assurance.

Règle d’or : Lors de l’état des lieux de sortie, assurez-vous toujours de la qualité de la personne présente.

  • Si le locataire est absent, exigez un mandat écrit clair et signé du locataire ou de son représentant légal (tuteur, curateur).

  • En cas de doute, de désaccord, ou d’absence d’un représentant dûment mandaté, mandatez immédiatement un commissaire de justice pour établir l’état des lieux. Ce coût est récupérable en partie auprès du locataire.

 N’hésitez pas à consulter un avocat spécialiste en droit immobilier pour sécuriser vos procédures.