Locataire : Peut-il contester une résolution d’AG de Copro?

Déc 4, 2025 | Copropriété, Les chroniques de la Justice | 0 commentaires

« Le mouvement de révolte s’appuie en même temps sur le refus catégorique d’une intrusion jugée intolérable et sur la certitude confuse d’un bon droit. » — Albert Camus.

Face au refus du Syndicat de le laisser contester, le locataire a fait résonner cette vérité jusqu’à la Cour de cassation !

Le Syndicat des Copropriétaires peut-il être attaqué par un locataire ?

 En tant que syndic de copropriété ou administrateur de biens, vous êtes souvent confronté à la question de savoir qui possède la qualité pour remettre en cause les décisions prises en Assemblée Générale (AG). La loi de 1965 confère ce droit, en principe, aux seuls copropriétaires. L’action en contestation des résolutions d’AG est donc généralement dirigée par un copropriétaire.

Mais qu’en est-il lorsque la contestation émane d’un locataire commercial ou d’habitation qui s’estime lésé par une résolution ? Un locataire peut-il vraiment attaquer un Syndicat des Copropriétaires en justice pour contester une décision d’AG ?

La Cour de Cassation s’est prononcée : Le locataire a intérêt à agir si un droit d’usage est retiré

Dans son arrêt du 3 juillet 2025 (n° 23-18.576), la Cour de cassation a rejeté le pourvoi du syndicat des copropriétaires, validant la décision de la Cour d’appel.

La réponse est claire : OUI, un locataire peut avoir qualité et intérêt à agir en justice contre le syndicat des copropriétaires dès lors que la résolution de l’AG porte atteinte à un droit d’usage (même accessoire) dont il bénéficie sur les parties communes, et que ce droit est reconnu soit par le règlement de copropriété, soit par son bail commercial ou d’habitation. De plus, une différence de traitement non justifiée peut constituer un trouble manifestement illicite.

Le cas pratique : Droit d’usage des parties communes et discrimination

 L’histoire et la décision d’Assemblée Générale

 L’affaire opposait le Syndicat des Copropriétaires d’un immeuble à Nouméa à la société locataire d’un établissement de nuit, située au rez-de-chaussée. L’Assemblée Générale de septembre 2022 avait décidé de suspendre l’autorisation d’utiliser l’esplanade, partie commune de la copropriété, et d’ordonner le démontage d’une structure métallique bâchée que le commerce exploitait pour accueillir sa clientèle. Pour la société locataire, c’était une amputation significative de son espace d’exploitation.

Le litige et la décision de la Cour d’Appel

 La société locataire a saisi le juge des référés pour obtenir la suspension de cette résolution et l’indemnisation de son préjudice. Le Syndicat des Copropriétaires soulevait l’argument classique : seule la qualité de copropriétaire ouvre le droit de contester une résolution d’AG.

Toutefois, la Cour d’appel a relevé deux points cruciaux, confirmés par le bail du locataire :

  • Le règlement de copropriété autorisait les copropriétaires du rez-de-chaussée (et par extension leurs locataires) à utiliser la terrasse devant leur lot pour y installer des équipements amovibles.

  • D’autres exploitants commerciaux voisins continuaient à utiliser des structures similaires sur la même terrasse sans être inquiétés. La mesure prise contre la société locataire était donc discriminatoire.

La Cour d’appel a conclu que le retrait de ce droit d’usage constituait un trouble manifestement illicite et a condamné le syndicat à rétablir la situation et à verser une provision.

Le pourvoi en cassation rejeté

 Le Syndicat des Copropriétaires s’est pourvu en cassation, arguant que le droit de contester l’AG était strictement personnel au copropriétaire et que le locataire ne prouvait pas l’existence de droits sur les parties communes.

La Cour de cassation a rejeté ces arguments. Elle a confirmé que dès lors que :

  • Le locataire bénéficie d’un droit d’usage (ou d’une tolérance tacite et constante) sur l’espace commun en vertu du bail et du règlement de copropriété,

  • Il y a une différence de traitement discriminatoire avec les autres commerçants,

Alors le locataire possède un intérêt à agir. La décision de l’AG portait atteinte à son droit d’exploitation reconnu, justifiant la condamnation du syndicat au rétablissement de la structure et au versement d’une provision.

Mon conseil d’avocat spécialiste en droit immobilier

 En tant qu’avocat droit immobilier chez PERIMAITRE, mon conseil aux syndics de copropriété et aux administrateurs de biens est le suivant :

Avant de prendre une mesure de rétorsion ou de mettre en œuvre une résolution visant à restreindre l’usage des parties communes par un occupant, qu’il soit copropriétaire ou locataire :

  • Examinez minutieusement le Règlement de Copropriété (RCP) et l’état descriptif de division. Ces documents constituent la loi de la copropriété.

  • Vérifiez l’existence d’un droit d’usage (exclusif ou collectif) ou d’une tolérance établie. Un droit d’usage peut être transféré au locataire par le bail commercial ou d’habitation.

  • Assurez-vous de l’égalité de traitement. Toute mesure de restriction doit être appliquée de manière non discriminatoire à tous les occupants se trouvant dans une situation comparable.

Agir sans cette vérification expose le syndicat des Copropriétaires à une action en justice par le locataire pour trouble manifestement illicite et à une lourde condamnation pour les préjudices subis.