Indécence du logement:le locataire peut-il être responsable?

Déc 18, 2025 | Bail, Les chroniques de la Justice | 0 commentaires

L’Indécence du Logement : Quand la Faute du Locataire Dégage la Responsabilité du Bailleur

En tant que professionnel de l’immobilier (syndic, administrateur de biens, agence de gestion locative), vous êtes régulièrement confronté à des litiges complexes. Une question revient souvent : Malgré l’obligation légale de délivrer un logement décent, un bailleur est-il toujours responsable des désordres si le locataire a un comportement fautif ?

La loi impose au bailleur de fournir un logement décent. Toutefois, la jurisprudence récente vient nuancer cette obligation, notamment en cas de manquement du locataire à ses propres devoirs. L’arrêt que nous analysons met en lumière la vigilance nécessaire des professionnels concernant les plaintes des locataires et l’importance de la preuve.

Décision de la Cour de Cassation : La Faute du Locataire Écarte l’Indemnisation

Dans un arrêt rendu par la troisième Chambre civile de la Cour de cassation (Civ. 3e, 16 octobre 2025, RG n° 23-18.664), la haute juridiction a rejeté le pourvoi de la locataire.

La Cour approuve la Cour d’appel d’avoir relevé que les désordres invoqués étaient soit liés à un manque d’aération imputable à la locataire, soit au fait que la locataire avait fait obstacle à l’accès au logement pour la réalisation des travaux par le bailleur.

En conséquence, le comportement fautif de la locataire est à l’origine des dommages subis. Elle ne peut donc obtenir une indemnisation pour une indécence qu’elle a elle-même causée ou empêchée de réparer.

Rappel des Faits : Un Litige en Droit du Bail d’Habitation

L’Action en Justice pour Indécence du Logement

En juillet 2017, une locataire, Mme L., conclut un contrat de bail d’habitation pour un local situé à Blois. Un an plus tard, elle se plaint de l’insalubrité de son logement. Après avoir quitté les lieux suite à un congé pour vendre reçu en mars 2020, elle assigne son bailleur (M. P.) afin d’obtenir des dommages et intérêts pour indécence du logement (réduction du loyer, préjudice financier et moral).

Le Juge des contentieux de la protection (JCP) retient initialement l’indécence et condamne le bailleur à verser une somme de près de 7 000 € à l’ex-locataire.

L’Appel et la Preuve de la Faute du Locataire

Le bailleur interjette appel et obtient gain de cause. La Cour d’appel infirme le jugement de première instance en relevant des éléments cruciaux :

  • Défaut d’Entretien du Locataire : Certains désordres (humidité) étaient liés à une insuffisance d’aération du logement par la locataire, alors même qu’un diagnostiqueur lui avait recommandé d’aérer régulièrement et de nettoyer les grilles d’aération.

 

  •   Obstruction aux obligations du Bailleur : D’autres réparations n’avaient pu être effectuées car la locataire avait empêché le bailleur d’accéder au logement pour les réaliser.

La locataire a formé un pourvoi en cassation, mais la Cour de cassation a confirmé l’analyse de la Cour d’appel : le comportement de la locataire est la cause des dommages ou de l’impossibilité de les réparer. La locataire ne peut être indemnisée de sa propre faute (« nul ne peut se prévaloir de sa propre turpitude »).

Mon Conseil d’Avocat Spécialiste en Droit Immobilier

Cette décision est essentielle pour les professionnels gérant des litiges en baux d’habitation. Elle rappelle que l’obligation de décence du bailleur n’est pas absolue et que la faute du locataire peut exonérer ou limiter la responsabilité du propriétaire.

Mon conseil pour les bailleurs :

Dès qu’un locataire se plaint de désordres :

  • Intervenez au plus vite et documentez toutes les démarches (courriers, emails, propositions d’intervention).

  • Mandatez sans délai un professionnel indépendant (diagnostiqueur, expert) pour obtenir un avis objectif et technique sur l’origine des désordres. Cela vous permettra de distinguer entre les travaux vous incombant (hors entretien et petites réparations) et la faute du locataire.

  • Réalisez les travaux vous incombant,

 Si le locataire refuse l’accès pour l’exécution des travaux, mettez-le formellement en demeure par lettre recommandée avec accusé de réception de vous permettre d’accéder aux lieux. Cette preuve sera votre meilleure défense en cas d’assignation en justice.

En droit, la diligence du bailleur et la preuve de l’origine réelle des désordres (y compris la faute du locataire) sont vos meilleurs atouts pour éviter une condamnation.