Augmentation du loyer du bail commercial renouvelé
« Tout a un terme en ce bas monde excepté le loyer qui en a quatre », disait le poète et romancier Charles Monselet.
Je vous raconte cette semaine l’histoire de bailleurs qui souhaitaient augmenter le loyer lors du renouvellement du bail commercial consenti à leur locataire.
En 1979, la famille G donne à bail commercial à Madame B des locaux à usage professionnel pour l’exploitation d’une officine de pharmacie pour une durée classique de neuf ans et pour un loyer annuel de 17 400 Fr soit 2652 €.
Le bail est renouvelé tous les neuf ans.
En décembre 2015, Madame B sollicite le renouvellement du bail.
Les bailleurs acceptent mais sollicitent la fixation du loyer à la somme de 15 600 € hors charges, par an.
La locataire refuse et ils saisissent le juge des loyers de Mont-de-Marsan.
Le tribunal les déboute.
Ils relèvent appel.
Il faut savoir, en la matière, que l’article L 145 – 33 du code de commerce prévoit que le montant des loyers des baux renouvelés doit correspondre à la valeur locative et à défaut d’accord des parties, cette valeur est déterminée d’après :
- Les caractéristiques du local considéré
- La destination des lieux
- Les obligations respectives des parties
- Les facteurs locaux de commercialité,
- Les prix couramment pratiqués dans le voisinage.
Cependant l’article suivant, l’article L 145 – 34 du code de commerce, dispose immédiatement un principe de plafonnement du montant du loyer du bail renouvelé, l’augmentation étant limitée à celle de l’indice prévu par le bail, sauf cas dérogatoires tenant à la modification notable des quatre 1ers éléments que je viens de citer.
Il appartient donc au bailleur qui souhaite obtenir le déplafonnement du loyer de démontrer une évolution notable d’un de ces éléments.
En l’occurrence, le bailleur invoque la création, durant le bail précédent, d’une nouvelle obligation à la charge des bailleurs d’un local situé dans un immeuble en copropriété, à savoir l’obligation de souscrire une assurance responsabilité civile propriétaire non occupant.
Et il indique que s’il avait déjà souscrit, avant même l’entrée en vigueur de cette loi, une telle assurance, le fait de la rendre obligatoire a fait bondir ses primes d’assurance de plus de 30 % réduisant d’autant la rentabilité locative.
La cour d’appel retient l’argument et estime qu’il s’agit là d’une modification notable des obligations respectives des parties et fixe le loyer à la somme de 8200 € hors charges, par an au regard de l’évaluation qui a été faite par l’expert judiciaire.
Mécontente, la locataire forme un pourvoi en cassation.
Elle plaide que son bailleur avait souscrit cette assurance responsabilité civile avant même qu’elle ne fut obligatoire si bien que l’augmentation de celle-ci ne résultait pas d’une obligation prévue par la loi mais des rapports entre le propriétaire et son assureur.
À votre avis, a-t-elle obtenu gain de cause ?
La réponse est non.
Dans cet arrêt du 23 janvier 2025 (RG n° 23 – 14. 887), la Cour de cassation rejette le pourvoi.
Elle rappelle que la création au cours du bail expiré d’une obligation légale nouvelle à la charge du bailleur est un élément à prendre en considération pour la fixation du prix du bail renouvelé.
Elle approuve donc la cour d’appel d’avoir tenu compte de cette nouvelle charge légale, tenant à l’obligation de souscrire une assurance de responsabilité civile, et estimé qu’elle constituait une modification notable des obligations des parties et permettait le déplafonnement du loyer.
Autrement dit, cette circonstance nouvelle permet l’augmentation du prix du loyer au-delà de la simple évolution de l’indice d’indexation des loyers.
Un conseil qui vaut tant pour les bailleurs que pour les preneurs :
Lors de renouvellement du bail, faites faire par un professionnel le bilan de l’évolution des facteurs pour voir si le loyer peut ou non être augmenté.