Bail commercial : qui paie les gros travaux ?
Le bailleur peut-il refacturer la réfection de la toiture au locataire ?
Pas toujours. En droit commercial, les clauses qui font exception au droit commun — notamment sur les réparations importantes — doivent être claires et précises.
Sinon, la facture peut ne pas passer… même si le bail le prévoit en apparence. Illustration avec une affaire tranchée récemment par la Cour de cassation.
Le contexte
En 2009, la société B conclut un bail commercial avec la société A, dans une zone commerciale dynamique près d’Agen. Elle y exploite une activité de vente de vêtements.
Tout se passe bien… jusqu’à ce que survienne une facture salée.
Le conflit : des travaux, une clause, un désaccord
En octobre 2015, la société A adresse à sa locataire un commandement de payer, réclamant sa contribution à la réfection de la toiture.
La société B conteste : selon elle, ces travaux ne relèvent pas de sa responsabilité, mais de celle du bailleur. Elle saisit donc la justice pour annuler le commandement et obtenir réparation.
Ce que disait le bail
Le contrat stipule que le preneur supporte :
« Les charges de remplacement, de rénovation ou d’amélioration des parties communes et/ou d’utilité collective ou équipements du centre commercial, y compris les grosses réparations de l’article 606 du Code civil. »
Cela inclut, en théorie, les réparations du clos et du couvert (toiture, murs porteurs…).
Mais cela suffit-il ?
Les rebondissements judiciaires
Tribunal judiciaire
Il donne raison à la locataire. Le bailleur ne peut facturer « tout et n’importe quoi ».
Cour d’appel
Elle donne raison au bailleur.
Pourvoi en cassation
La société B soutient que la clause du bail est trop générale. Pour transférer la charge de la toiture au preneur, elle doit être explicite.
L’arrêt de la Cour de cassation
16 mars 2023, RG n°21-25.106
La réponse : NON
La Cour de cassation casse l’arrêt d’appel et rappelle deux principes :
-
Le bailleur supporte les réparations autres que locatives (structure, solidité de l’immeuble).
-
Ce transfert peut être prévu contractuellement, mais uniquement via une clause claire et précise, interprétée strictement.
Ici, la clause était trop vague pour imposer les frais de toiture au locataire.
Ce qu’il faut retenir
Avant la loi Pinel déjà, la rigueur s’imposait
Même avant l’entrée en vigueur de la loi Pinel, un bailleur ne pouvait imputer n’importe quelle charge au locataire.
Et aujourd’hui, la loi impose en plus un inventaire précis et limitatif des charges, impôts, taxes et redevances.
En résumé
La rédaction des baux commerciaux ne supporte pas l’imprécision.
Un flou contractuel peut conduire à des années de contentieux.
Moralité : entourez-vous d’un professionnel pour éviter les clauses mal calibrées… et les litiges évitables.
