Bail commercial et charges locatives

Mai 30, 2023 | Bail, Immobilier | 0 commentaires

Quand ce n’est pas précis, viennent les ennuis!

L’imprécision contractuelle, source de litige

C’est valable dans cette affaire, mais aussi dans bien des situations juridiques.
Car manquer de précision, c’est laisser place à l’interprétation.
Et des interprétations divergentes peuvent… conduire au conflit, voire au contentieux.

L’histoire : un litige autour de la réfection de la toiture

Un bail commercial conclu dans un contexte favorable

En 2009, la société B signe un bail commercial avec la société A, pour des locaux situés dans une zone commerciale dynamique à Agen.
Tout semble prometteur pour l’activité de vente de vêtements de la société B.

Comme dirait Candide : “Tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes.”

Le conflit surgit en 2015

En octobre 2015, le bailleur délivre un commandement de payer à la locataire, excédée par une dette relative à des travaux de réfection de toiture.

La société B saisit alors la justice pour :

  • Faire annuler le commandement de payer

  • Obtenir une indemnisation

Que dit le contrat de bail ?

Le bail prévoit que le locataire supporte :

« Les charges de remplacement, de rénovation ou d’amélioration des parties communes et/ou d’utilité collective ou équipements du centre commercial, y compris les grosses réparations de l’article 606 du Code civil. »

Les décisions de justice : un parcours en trois étapes

1. Le tribunal judiciaire donne raison au locataire

Le juge estime que le bailleur ne peut pas faire supporter “tout et n’importe quoi” à son locataire.
La clause ne serait pas suffisamment précise pour inclure les travaux de toiture.

2. La cour d’appel donne raison au bailleur

Elle considère que les travaux entrent dans le champ de la clause contractuelle.

3. Le pourvoi en cassation du locataire

La société B soutient que :

  • Les réparations de la toiture concernent l’immeuble, non le local.

  • La clause doit être interprétée strictement puisqu’elle déroge au droit commun.

  • Et en l’absence de mention expresse de la toiture, les frais restent à la charge du bailleur.

L’arrêt de la Cour de cassation (16 mars 2023, n°21-25.106)

Une confirmation des principes protecteurs du locataire

La Cour casse l’arrêt d’appel et rappelle deux points fondamentaux :

  • Le bailleur supporte les réparations lourdes (structure et solidité), sauf clause contraire.

  • Toute clause dérogatoire doit être claire et précise, et s’interprète strictement.

Ce qu’elle reproche à la cour d’appel

La cour d’appel n’a pas vérifié la clarté et la portée réelle de la clause concernant la toiture.
Sans précision explicite, le coût ne pouvait pas être transféré au locataire.

Avant même la loi Pinel : la précision contractuelle était essentielle

Cet arrêt rappelle qu’avant même la loi Pinel, il n’était pas possible pour le bailleur de faire supporter au locataire des charges imprécises ou générales, surtout en matière de gros travaux.

Mon conseil d’avocate : soyez vigilants dans la rédaction des baux

Un bail commercial mal rédigé, c’est un risque de contentieux.

Faites-vous accompagner par un professionnel pour :

  • Rédiger des clauses claires

  • Anticiper les interprétations litigieuses

  • Assurer une répartition équitable des charges