Bail commercial et diagnostics
Qu’est-ce qu’un diagnostic en immobilier ?
Un diagnostic immobilier est un document obligatoire fourni par le vendeur ou le bailleur pour informer l’acheteur ou le locataire sur certains aspects du bien : risques naturels, performance énergétique, amiante, plomb, électricité, gaz, etc.
Ces diagnostics visent à sécuriser la transaction et prévenir les litiges. Ils doivent être récents et complets, sous peine de sanctions légales : résolution du contrat, réduction du loyer ou du prix, voire dommages et intérêts.
Diagnostics immobiliers et bail commercial : une obligation à ne pas négliger
Ras-le-bol des diagnostics ?
Certains bailleurs pourraient être tentés de les ignorer… ou de fournir une version périmée.
Est-ce une bonne idée ?
Pas vraiment, comme le montre cette affaire jugée par la Cour de cassation.
Une affaire de bail… et de dépôt de garantie en jeu
En juin 2012, deux sociétés concluent un bail commercial portant sur :
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117 m² de locaux
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2 emplacements de parking
En région parisienne
Peu après, la société preneuse (société P) décide de renoncer à la location, et propose à la société bailleresse (société B) de conserver le dépôt de garantie de 7 000 €.
Refus de la bailleresse.
Procédures croisées devant le tribunal
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En février 2013, la société B adresse un commandement de payer les loyers à la société P.
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La société P réagit en saisissant le tribunal, pour demander :
– la restitution du dépôt de garantie
– des dommages et intérêts
De son côté, la société B demande :
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la résiliation du bail
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le paiement des loyers et charges
L’arme du locataire : un diagnostic périmé
Un élément va faire basculer le litige : l’état des risques naturels et technologiques (ERNMT).
Rappel de la législation applicable
En vertu de l’article L125-5 du Code de l’environnement, le bailleur doit fournir au locataire un état des risques de moins de six mois à la signature du bail (confirmé par l’article R125-25).
À défaut, le locataire peut demander :
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la résolution du contrat
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ou une réduction du prix du loyer
Or, dans cette affaire, l’état fourni par le bailleur datait du 2 octobre 2009, alors que le bail a pris effet en juin 2012.
La cour d’appel sanctionne le bailleur
La cour d’appel suit l’argument du preneur :
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Elle prononce la résolution du contrat, aux torts du bailleur
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Elle rejette la demande de loyers
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Elle ordonne la restitution du dépôt de garantie
Une victoire totale pour la société P.
Pourvoi en cassation : une question de proportionnalité
La société B forme un pourvoi en cassation.
Son argument
Selon elle, la seule existence d’un manquement ne suffit pas à prononcer la résolution d’un contrat.
Il faut que ce manquement soit suffisamment grave, ce que la cour d’appel n’a pas vérifié.
L’Arrêt de la Cour de cassation du 21 septembre 2023 (n° 22-15.850)
La Cour de cassation casse l’arrêt d’appel.
Ce que juge la Cour de cassation
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Même si la condition résolutoire est implicite dans un contrat, elle n’est pas automatique
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Le créancier (ici le locataire) a deux options :
– Exiger l’exécution du contrat
– Ou demander sa résolution, mais à condition que le manquement soit grave
Ici, la cour d’appel aurait dû examiner la gravité réelle du manquement, et non se contenter de constater que le diagnostic était périmé.
Leçon à retenir pour les bailleurs commerciaux
Mes conseils d’avocate en droit immobilier
- Fournir des diagnostics à jour, c’est obligatoire,
- Un manquement peut entraîner un contentieux, mais pas automatiquement la nullité du bail,
- Chaque situation est appréciée au cas par cas :
– nature du manquement
– gravité
– existence d’un préjudice