Honoraires d’agence : impact sur le congé pour vente

Juil 28, 2021 | Les chroniques de la Justice, Vente immobilière | 0 commentaires

QUand le formalisme s’invite dans les rapports locatifs

Premier cas : un congé pour vendre dans un bail d’habitation

Des locataires reçoivent un congé pour vendre mentionnant un prix de 190.000 euros, frais d’agence inclus.

Ils acceptent d’abord l’offre, puis se rétractent et formulent une contre-proposition à 140.000 euros.

Le bailleur refuse et demande leur expulsion, considérant qu’ils sont devenus occupants sans droit ni titre.

Les locataires contestent la validité du congé pour vente.

Ils soutiennent que la mention des frais d’agence dans le congé est irrégulière, car elle leur impose indirectement une commission, en méconnaissance de leur droit de préemption.

La Cour de cassation, dans son arrêt du 8 octobre 2015 (RG n°14-20.666), rappelle en effet que le locataire ne peut se voir imposer le paiement d’une commission d’agence dans l’exercice de son droit de préemption.

Mais elle précise que pour que le congé soit annulé, encore faut-il que le locataire démontre un grief réel.

En l’espèce, la Cour valide la décision d’appel : le locataire avait formulé une offre bien inférieure au prix annoncé, même après déduction de la commission. Il n’y avait donc aucun grief établi.

Deuxième cas : une vente dans le cadre d’un bail commercial

Le 20 mai 2015, un bailleur adresse à son preneur commercial une lettre recommandée lui notifiant son intention de vendre.
L’offre se détaille comme suit :

  • Prix net vendeur : 1.200.000 euros

  • Honoraires d’agence TTC : 144.000 euros à la charge de l’acquéreur

  • Frais de formalité et d’enregistrement en sus

Le preneur accepte l’offre par courrier recommandé du 19 juin 2015, sans mentionner les honoraires d’agence, mais en reprenant le prix net vendeur et les frais d’acte.

Dans le même temps, une société tierce, introduite par l’agence immobilière, manifeste également son intention d’acquérir.

Le bailleur saisit alors le tribunal, assignant les deux acquéreurs potentiels et l’agence immobilière, afin de faire reconnaître la vente au profit de son preneur.

La Cour de cassation, dans son arrêt du 28 juin 2018 (RG n°17-14.605), donne raison au preneur.

Elle rappelle que les dispositions de l’article L.145-46-1 du Code de commerce sont d’ordre public.

Le preneur ne peut se voir imposer le paiement d’une commission d’agence, et son acceptation, même partielle, vaut vente si elle reprend les éléments essentiels de l’offre, à l’exclusion des honoraires.

À retenir : un congé pour vendre doit être neutre sur les frais d’agence

Dans les deux situations, la jurisprudence confirme que :

  • Le locataire ne peut se voir imposer des frais d’agence dans le cadre de son droit de préemption, qu’il soit en bail d’habitation ou commercial.

  • La mention d’honoraires dans le congé ne suffit pas à elle seule à entraîner la nullité du congé, sauf à démontrer un grief réel.

  • L’agence immobilière n’a pas de rôle d’intermédiaire entre bailleur et locataire lorsque ceux-ci sont déjà liés contractuellement : elle ne peut donc prétendre à une commission dans ce cadre.