Copropriété et abus de majorité
« Il n’y a pas le pouvoir. Il y a l’abus de pouvoir, rien d’autre » disait Henri de Montherlant.
A méditer dans le domaine de la copropriété !
Je vous raconte cette semaine l’histoire d’un copropriétaire qui ne supportait pas de s’être vu refuser une autorisation de travaux par l’assemblée générale.
En janvier 2012, la société S fait l’acquisition d’un lot dans une copropriété composée de deux bâtiments, A et B.
Son lot constitue la totalité du bâtiment B.
La société obtient en octobre 2012 un permis de construire pour transformer ce bâtiment en hôtel.
En 2014, l’assemblée générale autorise la mise en conformité du règlement de copropriété et de l’état descriptif de division à cette autorisation d’urbanisme.
En 2018, le copropriétaire revient devant l’assemblée générale pour solliciter l’autorisation de créer une issue de secours sur la cour commune, partie spéciale du bâtiment A.
L’assemblée générale rejette cette demande.
Le copropriétaire saisis alors la justice d’une demande d’annulation de cette résolution et d’autorisation de réaliser les travaux refusés.
Cependant, tant le tribunal que la Cour d’appel refusent l’annulation de la résolution et de donner l’autorisation.
Ils estiment que l’autorisation donnée en 2014 n’emportait pas autorisation de créer une servitude de passage pour issue de secours. Il n’y a en outre pas démonstration d’un abus de majorité.
Mécontent, le copropriétaire forme un pourvoi en cassation.
Il plaide deux arguments :
- Constitue un abus de majorité le refus injustifié par l’assemblée générale d’autoriser l’exécution de travaux nécessaires pour assurer la sécurité d’un établissement recevant du public,
- Et le refus d’autoriser des travaux sollicités par un copropriétaire est abusif lorsqu’il n’est pas justifié par des motifs sérieux.
Or la cour d’appel n’a pas caractérisé en quoi l’implantation d’une issue de secours imposant un droit de passage exceptionnel en cas d’incendie sur les parties communes du bâtiment A portera atteinte aux droits des copropriétaires de ce bâtiment.
À votre avis, le copropriétaire a-t-il obtenu gain de cause ?
La réponse est non.
Dans cet arrêt du 16 novembre 2023 (RG n° 22 – 18. 908), la Cour de cassation rejette le pourvoi.
Elle rappelle tout d’abord qu’il appartient à celui qui invoque un abus de majorité de rapporter la preuve que :
- la décision prise est contraire aux intérêts collectifs des copropriétaires,
ou
- qu’elle a été prise dans le seul but de favoriser les intérêts personnels des copropriétaires majoritaires au détriment des copropriétaires minoritaires.
Elle approuve ainsi la cour d’appel d’avoir relevé que :
- la société ne démontrait pas l’intention de nuire des autres copropriétaires,
- Que la société copropriétaire n’avait aucun droit sur les parties communes spéciales sur lesquelles elle souhaitait faire établir un droit de passage,
- Que le règlement de copropriété organisait l’isolement d’un bâtiment par rapport à l’autre,
- Qu’au regard des rapports techniques produits, la société ne démontrait pas que la création d’une issue de secours sur cour était une exigence de sécurité pour l’exploitation de son lot à usage d’hôtel et constituait une mise en conformité indispensable à cette destination au regard notamment des solutions alternatives existantes,
- Les travaux envisagés affectaient les droits des copropriétaires.
A retenir
C’est à celui qui se plaint de démontrer un abus de majorité. La tâche est ardue !