« Ne jamais dire : c’est leur faute. C’est toujours notre faute » disait Claude AVELINE dans son ouvrage « avec toi-même ».
Cette citation aurait dû inspirer les deux parties dans cette affaire.
Je vous raconte cette semaine l’histoire d’une copropriétaire insatisfaite du traitement de son sinistre par le syndicat des copropriétaires.
Elle entend être indemnisée et formule des demandes de plus de 120 000 €.
Madame D est copropriétaire d’un appartement au rez-de-chaussée d’un immeuble situé dans la région de Grenoble.
Son logement est loué à Monsieur T.
Le 22 août 2011, des désordres sont constatés dans l’appartement de Madame D à la suite d’une fuite sur la canalisation d’alimentation en eau dans le vide sanitaire de l’immeuble.
Des travaux sont réalisés dès le lendemain mais, trois mois plus tard, Madame D établit une déclaration de sinistre auprès de son assureur.
Elle considère que la fuite d’eau était toujours présente dans le vide sanitaire sous son logement et causait des désordres à ce logement occupé par Monsieur T.
Il donnait d’ailleurs congé en janvier de l’année suivante estimant ne plus être en mesure de vivre dans cet appartement du fait de l’humidité et dont les meubles étaient devenus bancals du fait de l’affaissement à certains endroits du sol.
Les travaux sur le vide sanitaire étaient finalement réalisés dans le courant de l’année…2015.
Madame D, estimant avoir subi des préjudices consécutivement aux désordres affectant le vide sanitaire, demande au syndic l’inscription à l’ordre du jour de la prochaine assemblée générale d’une résolution tendant à l’indemniser.
Sa demande est rejetée par l’assemblée générale des copropriétaires.
Madame D saisit la justice aux fins d’indemnisation, s’appuyant sur l’article 14 de la loi du 10 juillet 1965.
En effet, cet article, dans sa version applicable au litige, prévoyait la responsabilité de plein droit du syndicat des copropriétaires pour les dommages causés aux copropriétaires ou aux tiers par le vice de construction ou le défaut d’entretien des parties communes.
La cour d’appel la déboute toutefois de ses demandes.
La Cour constate que les travaux n’ont été réalisés qu’en 2015 en raison de longues discussions au sein du conseil syndical sur le contenu exact des travaux à entreprendre ainsi que le prestataire auquel les confier.
L’assemblée générale des copropriétaires avait refusé de mandater un bureau d’études pour d’obtenir un avis technique sur le renforcement de la dalle plancher du logement à reprendre.
La copropriétaires victime était en effet membre du conseil syndical et tandis que certains membres du conseil syndical voulaient faire réaliser des travaux a minima dans l’enveloppe budgétaire votée par l’assemblée générale, pour sa part, la copropriétaire victime entendait faire réaliser des travaux beaucoup plus conséquents.
La cour d’appel retenait qu’il était impossible d’imputer la responsabilité de ce retard à Madame D ou au conseil syndical.
Néanmoins, la Cour jugeait qu’en raison de l’attitude de Madame D le syndicat des copropriétaires ne saurait être tenu responsable de la persistance des désordres dénoncés en 2011.
Mécontente, Madame D formait un pourvoi en cassation.
Elle soutient que le syndicat des copropriétaires ne peut être exonéré de sa responsabilité en l’absence de faute du copropriétaire ayant causé l’entier dommage.
À votre avis, a-t-elle obtenu gain de cause ?
La réponse est oui.
Dans cet arrêt du 15 juin 2023 (RG n° 22 – 16. 155), la Cour de cassation casse l’arrêt d’appel.
Elle rappelle que le syndicat des copropriétaires est responsable de plein droit du défaut d’entretien de l’immeuble et qu’il ne peut s’exonérer de cette obligation qu’en rapportant la preuve d’une force majeure, d’une faute de la victime, ou d’un tiers ayant causé l’entier dommage.
En l’espèce la Cour avait constaté que les dommages résultaient d’un défaut d’entretien du vide sanitaire, parties communes de l’immeuble.
Mais la Cour d’appel n’avait pas constaté une faute de la copropriétaire.
Dans ces conditions, la Cour d’appel ne pouvait refuser l’indemnisation de Madame D.
À retenir plusieurs éléments dans cette affaire :
- Le recours à un bureau d’études, qui se serait prononcé sur la nature et l’ampleur exact des travaux à entreprendre, aurait permis d’éviter cette très longue discussion et donc de limiter le préjudice de la copropriétaire,
- Il est regrettable qu’un copropriétaires victime de désordres imputables aux parties communes fasse partie du conseil syndical auquel a été délégué la mission de se prononcer sur un devis et le choix d’un prestataire. Le copropriétaire victime risque en effet d’être en conflit d’intérêts avec le syndicat des copropriétaires.