Dégradations locatives et délai de remise en location

Juin 25, 2024 | Bail, Les chroniques de la Justice | 0 commentaires

Plaie d’argent n’est pas mortelle.

C’est ce qu’a pensé le juge dans l’affaire dont je vous parle aujourd’hui.

Madame B est locataire d’un appartement meublé à Metz depuis le 31 mai 2019.

En 2021, elle décide de quitter l’appartement et donne congé.

Cependant après restitution des lieux, elle est assignée en justice par son bailleur.

Celui-ci estime en effet :

  • d’une part que la locataire a dégradé le logement,
  • Et d’autre part qu’il a dû différer son projet de vente de l’appartement pendant plusieurs mois pour le remettre en l’état.

Le tribunal n’y voit pas de difficultés et condamne la locataire à indemniser ces deux préjudices à hauteur de plus de 2000 €.

Mécontente, la locataire forme un pourvoi en cassation.

Petite parenthèse : s’agissant d’un contentieux dont l’enjeu était inférieur à 5.000 €, l’appel n’était pas possible, seule la voie du pourvoi en cassation était ouverte (R213-9-4 du COJ).

Devant la Cour de cassation, la locataire soutient deux arguments :

  • Le tribunal aurait dû comparer les états des lieux d’entrée et de sortie pour juger si des dégradations avaient été commises par la locataire,
  • Le tribunal ne pouvait la condamner à prendre en charge les cinq mois de crédit ayant séparé la restitution des lieux de la vente alors que le bailleur avait simplement perdu une chance de vendre plus vite.

À votre avis, a-t-elle obtenu gain de cause ?

La réponse est oui.

Dans cet arrêt du 29 février 2024 (RG n° 22 – 23. 082), la Cour de cassation casse l’arrêt d’appel reprenant les deux moyens :

  • Le tribunal ne pouvait condamner la locataire au seul motif que le montant du devis travaux n’était pas excessif. Il devait comparer les états des lieux d’entrée et de sortie pour rechercher si les dégradations alléguées relevaient de l’usure normale et de la vétusté ou non.
  • En raison de l’aléa existant quant à une vente, la réparation de la perte de chance de vendre plus vite doit être mesuré à l’aune de la chance perdue et ne peut en aucun cas être égale à l’avantage qu’aurait procuré cette chance si elle s’était effectivement réalisée.

Ici, le bailleur demandait l’indemnisation des cinq mois des chances de prêt entre la libération de l’appartement et la vente soit 2080 €.

Autrement dit, le tribunal de renvoi devra estimer le pourcentage de chance perdue, concrètement faire une quote-part sur ces 2080 € en mesurant quelles étaient effectivement les chances du bailleur de vendre plus vite.

A retenir

  • C’est la base : obtenir une indemnité au titre des dégradations locatives suppose d’apporter la preuve de dégradations (par une comparaison de l’état des lieux d’entrée et de sortie) et de démontrer qu’il s’agit de véritables dégradations et non de vétusté ou d’une usure normale.

Par exemple une peinture défraîchie au bout de sept ans de location relève de l’usure normale et n’est donc pas imputable au locataire.

À l’inverse, des trous dans les murs sont des dégradations.

  •  Si les dégradations sont telles qu’elles imposent des travaux pendant une durée conséquente pour pouvoir relouer ou vendre, le bailleur peut demander la condamnation de son locataire à lui verser des dommages-intérêts en fonction du préjudice subi.