Délais d’action en copropriété
« Le temps s’écoule sans faire de bruit »
Je vous raconte cette semaine l’histoire d’une mésentente entre copropriétaires qui dure depuis 30 ans.
En cause, des aménagements réalisés en 1986 par l’un des copropriétaires lui ayant permis d’agrandir son lot dans le volume situé sous le toit de l’immeuble.
En outre, ses tantièmes de charges n’ont pas été modifiées.
C’en est trop !
En 1986, un immeuble situé dans la région de Montpellier est mis en copropriété.
Il est composé de 12 lots, appartenant à trois copropriétaires.
- La SCI L a les lots 1 à 7 et 12,
- Mme Y a les lots 8 et 9,
- Madame L a les lots 10 et 11.
Mme L réalise, sans autorisation d’AG, des travaux permettant de relier ses deux lots, situés au 2ème et dernier étage.
Elle crée dans le volume situé sous le toit de l’immeuble une mezzanine avec un plancher fixe et une coursive fermée par un châssis fixe.
Ça ne va pas plaire à ses voisins qui font constater la construction par huissier de justice quasi immédiatement.
Mais c’est en 2014 que les deux copropriétaires assignent la troisième.
Dans un premier temps en référé pour faire considérer les travaux et dans un second temps pour la voir condamner sous astreinte à remettre en état initial les parties communes.
Les deux copropriétaires obtiennent gain de cause contre le troisième en première instance, le jugement retenant une appropriation des parties communes et condamnant ainsi Madame L à la remise en état antérieur.
Appel est interjeté.
Madame L souhaite l’infirmation du jugement, estimant que le règlement de copropriété lui permettait sans autorisation d’AG de faire les travaux.
Les deux autres copropriétaires veulent évidemment la confirmation du jugement sur ce la remise en état antérieur mais aussi faire juger que l’article 25 du règlement de copropriété est illégal en ce qu’il permet d’annexer une partie de couloir, passage ou autre partie commune à ses lots privatifs lors d’une réunion ceux ci.
La cour d’appel de Montpellier juge :
- Madame L n’a pas annexe parties communes dès lors que le règlement de copropriété ne mentionne pas l’existence de courbes sous toiture
Le délai d’action pour des travaux affectant les parties communes était donc de cinq ans et non de 30 ans. L’action engagée par les deux copropriétaires était donc prescrite.
- L’action en nullité d’une clause du règlement de copropriété se prescrit par 30 ans. Les copropriétaires ont donc encore réagi trop tard.
Les deux copropriétaires forment un pourvoi en cassation
Ils soulèvent deux arguments :
- L’action en démolition de construction irrégulière se prescrit par 30 ans,
- L’action en nullité d’une clause du règlement de copropriété est imprescriptible.
À votre avis, ont-ils obtenu gain de cause ?
La réponse est non.
Dans cet arrêt du 10 octobre 2024 (RG n° 22 – 22. 649), la Cour de cassation rejette le pourvoi.
Elle approuve en effet la cour d’appel d’avoir considéré qu’une action relative à des travaux affectant les parties communes sans empiètement se prescrit par cinq ans.
Et elle estime que l’action en nullité d’une clause de règlement de copropriété était irrecevable, faute d’avoir appelé le syndicat des copropriétaires à la cause.
Deux conseils :
- Ne jamais tarder à agir, même si on pense que le délai d’action est de 30 ans. Ici une erreur sur le délai applicable a été fatale.
- Quand on critique le règlement de copropriété en justice, la présence du syndicat des copropriétaires est indispensable.