Garantie décennale et trouble de jouissance

Juin 4, 2024 | Construction/travaux, Les chroniques de la Justice | 0 commentaires

Qu’est-ce que la garantie décennale ?

La garantie décennale est une protection légale des maîtres de l’ouvrage,  imposée aux constructeurs. Pendant 10 ans après la réception des travaux, elle couvre les désordres qui compromettent la solidité de l’ouvrage ou le rendent impropre à sa destination.

La garantie décennale ne couvre pas seulement la réparation matérielle des désordres qui rendent un ouvrage impropre à sa destination.

Elle permet aussi d’obtenir l’indemnisation des préjudices immatériels consécutifs, comme le trouble de jouissance ou la perte de loyers.

C’est l’histoire du jour.

“Chacun, en matière de jouissance, a son point de vue spécial.” écrivait Alexandra David-Néel.
C’était aussi celui de la cour d’appel dans l’affaire que je vous raconte aujourd’hui…

 Les faits

En 2011, une SCI achète un duplex à Paris pour 1.950.000 €.
Une expertise judiciaire retient deux désordres de nature décennale :

  • Fuite dans les WC : fixation sur une plaque BA10 au lieu de deux BA13 (620 € HT).

  • Interrupteur mal placé sur une gaine technique supprimant l’effet coupe-feu (1.500 € HT).

Le vendeur, constructeur non réalisateur, est condamné à financer ces réparations.

La demande de la SCI

Elle réclame 291.270 € de préjudice de jouissance, correspondant aux 2/3 de la valeur locative du bien entre 2011 et 2019.

La décision de la cour d’appel

Refus d’indemnisation :

  • désordres jugés « mineurs »

  • absence de preuve d’une réelle privation d’usage

Le pourvoi en cassation

La SCI soutient que tout préjudice consécutif à un désordre décennal doit être indemnisé, y compris le trouble de jouissance.

La décision de la Cour de cassation

Elle donne raison à la SCI (15 février 2024, RG n°22-23.179) :

  • Les désordres rendaient l’ouvrage impropre à sa destination

  • Un risque pour la sécurité existait

  • Le trouble de jouissance devait être indemnisé, indépendamment du faible coût des réparations

À retenir

  • Le trouble de jouissance se mesure à l’ampleur de la gêne, pas au coût des travaux.

  • En cas de désordre décennal, il faut agir vite pour limiter le préjudice.

Mon conseil d’avocat spécialiste en droit immobilier

En présence d’un désordre décennal, documentez tout (expertise, constats, photos) et agissez rapidement.
Plus le trouble dure, plus le montant de l’indemnité potentielle augmente… mais aussi le risque de perte de preuves.