Impayé de loyer et assignation en justice

Fév 27, 2024 | Bail, Les chroniques de la Justice | 0 commentaires

«Il faut distinguer la ténacité de l’obstination : savoir insister et persévérer au bon moment, savoir aussi se retirer et renoncer quand il le faut » dit Shafique KESHAVJEE, écrivain.

Je vous raconte cette semaine l’histoire d’un locataire qui ne supportait pas d’avoir été assigné en justice par son bailleur.

 En 2003, un bailleur HLM conclut avec Monsieur T un bail d’habitation d’un logement à Paris, au loyer de 491 €.

 15 ans plus tard, et selon la procédure habituelle, le bailleur fait délivrer à Monsieur T un commandement de payer une dette de loyer de 1000 €.

 Monsieur T ne régularise pas sa dette dans le délai prévu par la loi (deux mois à l’époque)

 Le bailleur l’assigne en justice.

 Le juge constate la résiliation du bail et prononce l’expulsion.

 Mais il accorde des délais de paiement à Monsieur T (70 € par mois) en plus du loyer courant.

 Et le juge que si Monsieur T acquitte sa dette dans le délai imparti, la clause résolutoire sera réputée n’avoir jamais joué.

Monsieur T n’est pas content, il fait appel.

 Devant la cour d’appel, il soutient un argument juridique intéressant : la nullité de l’assignation qui lui avait été délivrée , celle à l’origine de la procédure.

 L’intérêt,  si ça marche , est qu’il n’y alors ni résiliation de bail ni expulsion.

 Monsieur T dit que l’huissier, qui lui a remis l’assignation, ne lui aurait pas remis en même temps le document d’information prévue par l’article 1 du décret du 9 mai 2017.

 C’est un document qui rappelle les dates et heures de l’audience, la possibilité de faire une demande d’aide juridictionnelle, d’être assisté d’un avocat, mais aussi celle de saisir les acteurs de prévention de l’expulsion locative.

La cour d’appel rejette l’argument.

 Elle confirme la résiliation du bail et l’expulsion mais constate que Monsieur T a acquitté sa dette de loyer et dit que la clause résolutoire est réputée n’avoir jamais joué.

 Monsieur T est donc sauvé, il ne sera pas expulsé. Mais ça ne lui suffit pas. Il ne digère pas cette absence d’information.

 Il forme donc un pourvoi en cassation.

 Il soutient que le document qu’aurait dû lui remettre l’huissier est une formalité substantielle.

 Autrement dit, son absence aurait dû conduire à la nullité de la procédure.

 S’il avait été informé de la possibilité d’avoir recours aux services d’un avocat à l’aide juridictionnelle, il se serait mieux défendu devant le tribunal.

À votre avis, a-t-il obtenu gain de cause ?

La réponse est non.

Dans cet arrêt du 8 février 2024 (RG n°22-24.806), la Cour de cassation rejette le pourvoi.

 Elle juge que ce document informatif n’est pas un acte de procédure.

 Son absence n’est donc pas susceptible de justifier une nullité.

 Monsieur T a donc perdu. Cela dit cela, ne change absolument rien pour lui puisqu’il avait déjà sauvé son bail en acquittant sa dette.

 

Moralité

Tout n’est pas motif à nullité.

Cette décision m’inspire une remarque sur le document informatif : quelle peut bien être son utilité ?

Alors que :

  • l’assignation informe déjà des date, lieu et heure d’audience, de la possibilité d’être assisté d’un avocat et de déposer une demande d’aide juridictionnelle ainsi que des conséquences de non comparution,
  • l’assignation est dénoncée au préfet qui met en œuvre les procédures de prévention des expulsions.