Incendie électrique : que couvre la garantie décennale ?

Oct 9, 2025 | Construction/travaux, Les chroniques de la Justice | 0 commentaires

Un sinistre d’origine électrique (incendie, court-circuit…) engage‑t‑il automatiquement la garantie décennale, même si la cause exacte ne peut être prouvée ?

Oui — dès lors que l’imputabilité ne peut être écartée, la charge de la preuve bascule vers le constructeur ou intervenant. On ne demande pas au maître d’ouvrage de prouver comment le feu est parti, seulement de montrer qu’il provient de l’ouvrage réalisé.

Ce qu’a décidé la Cour de cassation

Dans son arrêt du 11 septembre 2025 (RG n° 24‑10.139), la Cour casse l’arrêt d’appel. Elle juge que, lorsque le lien d’imputabilité est établi — c’est-à-dire qu’on peut vraisemblablement attribuer le sinistre à l’intervention du constructeur — la présomption de responsabilité de l’article 1792 du Code civil s’applique. Le constructeur doit alors prouver l’existence d’une cause étrangère pour s’exonérer.

Le contexte factuel de l’affaire

La construction, la réception et le sinistre

En juillet 2013, M. X fait construire une maison près de Toulouse. Il confie les installations électriques à M. W.

La réception a lieu en juillet 2014, sans réserves.

Le 9 décembre 2014, vers 6h45, une coupure électrique est constatée. En allant réarmer le disjoncteur, M. X observe des flammes au niveau du tableau électrique. Le feu se propage si vite que la maison est quasiment détruite, malgré l’intervention des pompiers.

L’expertise et les premières jugements

Une expertise judiciaire est ordonnée. En décembre 2015, l’expert retient l’hypothèse d’un feu provenant du coffret électrique.

Le tribunal condamne l’électricien et son assureur sur le fondement de la garantie décennale, à plus de 350 000 €.

Mais en appel, la Cour infirme : bien que l’origine électrique soit certaine, elle estime que le lien avec un vice ou une non‑conformité n’est pas établi avec certitude.

Le pourvoi en cassation et l’argument du maître d’ouvrage

M. X et son assureur forment un pourvoi. Ils soutiennent que l’électricien doit être tenu de plein droit du sinistre d’origine électrique, même si la cause exacte reste indéterminée, sauf preuve de cause étrangère.

Les enseignements juridiques à retenir

  • L’imputabilité suffisante, non la causalité exacte
    Le maître d’ouvrage n’a pas à prouver l’enchaînement exact du feu. Il suffit de démontrer que, au vu des circonstances (nature et siège des désordres), le sinistre pourrait provenir de l’ouvrage confié.
  • La présomption de responsabilité décennale
    Une fois l’imputabilité retenue,  la présomption de responsabilité de l’article 1792 est établie. Le constructeur ne s’en décharge que s’il prouve une cause étrangère.

  • Le rôle central de l’expert
    Plus l’expert est précis, rigoureux et méthodique dans ses hypothèses et son élimination des causes alternatives, plus il renforce la validité de l’imputation à l’ouvrage en cause.