Investissement locatif et délai d’action
«Avec le temps, va, tout s’en va » dit Léo Ferré.
Je vous raconte cette semaine l’histoire d’un couple d’investisseurs qui s’aperçoit avoir acquis bien beaucoup trop cher.
Il souhaite s’en prendre à la société de conseil en investissement ainsi qu’à la banque qui l’a financé.
En 2009, ces particuliers, Monsieur et Madame M, achètent un appartement et un emplacement parking en l’état futur d’achèvement, dans le cadre d’un investissement locatif bénéficiant d’un dispositif de défiscalisation, Girardin.
Le prix : 210.789 €.
Le financement est assuré par un prêt d’une durée de 240 mois, dont 120 mois sans remboursement de capital et 120 mois de période d’amortissement ;
En 2012, ils font évaluer le bien par une agence immobilière.
Cette agence les informe d’une évaluation à -30 % par rapport au prix d’acquisition.
En juillet 2016, ils font procéder à une nouvelle évaluation.
Et c’est encore puisque leur bien est estimé à 80.000 €-90.000 €.
Jugeant avoir été mal conseillés sur la valeur du bien et sa rentabilité, Monsieur Madame M assignent, en janvier 2017, la société de conseil en investissement et la banque en responsabilité.
Cependant, les sociétés leur opposent la prescription de l’action.
Le délai pour agir est, selon elle, de cinq ans à compter de la signature du contrat.
Tant le tribunal que la cour d’appel approuvent cet argument et déclarent l’action prescrite.
Autrement dit il était trop tard pour faire un procès en responsabilité à la société de conseil en investissement et à la banque.
Les investisseurs malheureux ne désarment toutefois pas.
Ils forment un pourvoi cassation.
Il soutient que le point de départ de l’action en responsabilité et la découverte de la manifestation du dommage et non la signature du contrat.
Et le dommage, à savoir la découverte de la surestimation initiale du bien et l’impossibilité de rembourser le capital emprunté, a été découvert en 2012.
À votre avis, ont-ils obtenu gain de cause ?
La réponse est oui.
Dans cet arrêt du 1er février 2024 (RG n° 22 – 13. 446) la Cour de cassation casse l’arrêt d’appel.
La Cour de cassation rappelle l’article 2224 du Code civil : « les actions personnelles et mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit inconnu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer ».
Elle juge que dans une opération d’investissement immobilier locatif avec défiscalisation, comportant un emprunt dont le remboursement du capital était différé à 10 ans le point de départ de l’action en responsabilité pour manquement à l’obligation d’information de conseil ou de mise en garde et le jour où le risque réel s’est réalisé.
Et ce jour est soit celui auquel l’acquéreur a appris qu’il serait dans l’impossibilité de revendre le bien à un prix lui permettant de rembourser le capital.
L’action des époux M, engagée en janvier 2017, soit dans un délai inférieur à cinq ans par rapport aux dommages subis était donc parfaitement recevable.
Les époux M vont donc pouvoir faire valoir leurs arguments relatifs aux manquements devoir de conseil d’information et de mise en garde devant la cour d’appel de renvoi.
Moralité
Il est conseillé d’agir le plus rapidement possible dès qu’on a connaissance d’une difficulté.
En attendant quatre ans et demi à compter de la découverte de l’impossibilité de revendre au prix d’achat et près de huit ans après la signature des contrats, les époux M se sont exposés à ne pas pouvoir voir juger leur cause.