Dégradations locatives : risques de l’injonction de payer

Avr 8, 2025 | Bail, Les chroniques de la Justice | 0 commentaires

Dégradations locatives : attention à la procédure d’injonction de payer

Ne pas confondre vitesse et précipitation !
Cet article revient sur une décision de la Cour de cassation qui rappelle les limites du recours à la procédure d’injonction de payer pour le remboursement de dégradations locatives.

Quand l’assureur préfère l’injonction de payer

Monsieur et Madame Z louent un logement à Monsieur et Madame U. À juste titre, ils souscrivent une assurance loyers impayés et dégradations locatives.
À la fin du bail, des dégradations locatives sont constatées. L’assurance indemnise les propriétaires et devient subrogée dans leurs droits.
L’assureur décide alors d’agir contre les anciens locataires par voie d’injonction de payer, fort de la quittance subrogative. Le président du tribunal rend une ordonnance favorable.

Une opposition des locataires… suivie d’un pourvoi en cassation

Les locataires forment opposition à l’ordonnance et contestent la procédure, arguant que les dégradations locatives relèvent d’une créance délictuelle ou indemnitaire, et non contractuelle.
Le juge valide pourtant la procédure, considérant que la créance est contractuelle, car née du bail, et déterminée dans la quittance subrogative.
Mais les locataires forment un pourvoi en cassation, faute de pouvoir faire appel (la somme en jeu étant < 5 000 €).

Arrêt du 27 mars 2025 : la Cour de cassation sanctionne

Dans son arrêt du 27 mars 2025 (RG n° 23–21.501), la Cour de cassation donne raison aux locataires.

Elle rappelle, sur le fondement de l’article 1405 du Code de procédure civile, que :

  • La procédure d’injonction de payer est réservée aux créances contractuelles déterminées en vertu du contrat.

  • Or, les dégradations locatives dépendent de l’état du logement restitué, donc d’une appréciation factuelle, et non de stipulations claires du contrat.
    Résultat : le jugement du tribunal judiciaire de Bordeaux est cassé. L’affaire est renvoyée devant un autre juge.

Ce qu’il faut retenir pour les bailleurs et assureurs

Ne pas utiliser l’injonction de payer pour des dégradations

La procédure d’injonction de payer n’est pas adaptée au contentieux des dégradations locatives. Ce type de demande nécessite un débat contradictoire devant le juge, car elle implique l’évaluation d’un préjudice.

Préférer une procédure classique devant le tribunal

Malgré son apparente simplicité et rapidité, la procédure d’injonction de payer peut se retourner contre le bailleur ou son assureur. Il est donc plus prudent de passer par une procédure judiciaire classique.

Conclusion : une erreur de stratégie à éviter

Recourir à l’injonction de payer pour des dégradations locatives est juridiquement risqué. Ce contentieux nécessite une évaluation contradictoire du préjudice, excluant la voie simplifiée de l’injonction.