Dégradations locatives et injonction de payer

Avr 8, 2025 | Bail, Les chroniques de la Justice | 0 commentaires

 

Ne pas confondre vitesse et précipitation !

Je vous raconte cette semaine l’histoire d’un assureur garantie loyers impayés et dégradations locatives qui, pour gagner du temps, décide de recourir à la procédure d’injonction de payer pour le recouvrement des sommes versées au titre de dégradations locatives.

 Autant vous dire que ce sera un chemin de croix !

 Monsieur et Madame Z donnent à bail un logement à Monsieur et Madame U.

 Dans leur infinie sagesse, ils décident de souscrire une assurance loyers impayés et dégradations locatives.

 Et grand bien leur en fasse puisque à l’issue du bail, des dégradations locatives sont constatées.

 Ils sollicitent alors leur assurance qui les indemnisent suivant les garanties prévues par le contrat.

 Naturellement, le contrat prévoit que l’assureur est subrogé dans les droits des bailleurs et peut donc se retourner contre les anciens locataires pour obtenir le remboursement des sommes exposées.

 Et c’est ainsi que l’assureur entreprend d’agir contre les anciens locataires. Et dans un souci d’efficacité et de célérité il décide de procéder par demande d’injonction de payer.

Il dispose en effet de son contrat et d’une quittance subrogative.

 Le président du tribunal n’y trouve rien à redire et rend une ordonnance d’injonction de payer.

 Cependant les locataires forment opposition à cette ordonnance et soulève un argument : l’irrecevabilité d’une procédure d’injonction de payer en matière de dégradation locative.

 Le juge saisi sur opposition valide toutefois la procédure.

 Il considère que la créance a une cause contractuelle, étant née du contrat de bail, que son montant est clairement déterminé et indiqué dans la quittance subrogative.

 Mécontent, les anciens locataires forment un pourvoi en cassation.

 La procédure d’appel n’est en effet pas possible puisque la somme en jeu était inférieure à 5000 €.

 Devant la Cour de cassation, les locataires soulèvent un argument. Les demandes en réparation d’un préjudice sont irrecevables sur le fondement de la procédure d’injonction de payer, laquelle est réservé aux créances contractuelles déterminées.

À votre avis, les anciens locataires ont-ils obtenu gain de cause ?

La réponse est oui.

 Dans cet arrêt du 27 mars 2025 (RG n° 23 – 21. 501), la Cour de cassation casse le jugement du tribunal judiciaire de Bordeaux.

Elle rappelle, qu’en vertu de l’article 1405 du code de procédure civile, le recouvrement d’une créance contractuelle ne peut être demandé suivant la procédure d’injonction de payer que si son montant est déterminé en vertu des stipulations du contrat.

 Or la créance au titre des dégradations locatives n’est pas déterminée en vertu des seules stipulations du contrat de bail puisqu’elle dépend de l’attitude des locataires qui ont rendu ou pas un logement dans le même état que celui dans lequel ils l’avaient loué.

 Le jugement du tribunal judiciaire de Bordeaux est donc cassé et la cour renvoie devant un autre juge.

 Un conseil  :

Ne jamais recourir à la procédure d’injonction de payer pour un sujet de dégradation locative. Même si la procédure paraît séduisante en ce qu’elle est plus rapide, la nécessité d’un débat contradictoire empêche de recourir à cette procédure.