Absence d’étude de sol et responsabilité de l’architecte
« Du rêve à la réalité, il n’y a qu’un pas !
Encore faut-il pouvoir le franchir.
Je vous raconte cette semaine l’histoire d’un architecte rêveur.
En 2007, Monsieur et Madame Z souhaitent faire construire leur maison, dans la région de Montpellier.
Ils confient l’établissement d’une demande de permis de construire à Monsieur A, architecte ainsi que le dossier de consultation des entreprises.
Monsieur A réalise le travail demandé et conseille à ses clients de faire réaliser une étude de sol préalablement à tous travaux.
Il prend même la précaution de l’indiquer dans le cahier des clauses techniques particulières.
Toutefois, Monsieur et Madame Z ne suivent pas ce conseil.
La construction est réalisée et ce qui pouvait arriver, arriva.
Quelques mois après réception, les époux Z constatent de multiples fissures sur leur maison.
Une expertise judiciaire est diligentée.
L’expert conclut à l’inadaptation des fondations au sol de la maison.
Monsieur et Madame Z assignent, entre autres, l’assureur de l’architecte, en indemnisation.
Le tribunal condamne l’assureur à indemniser les époux Z, tout en leur imputant une part de responsabilité à hauteur de 2 %
Mécontent, l’assureur relève appel de la décision.
Et grand bien lui en fasse.
La cour d’appel retient que Monsieur et Madame Z n’avaient pas suivi le conseil de leur architecte c’est-à-dire de réaliser une étude de sol.
Or s’ils l’avaient fait, le sinistre aurait été évité.
La responsabilité de l’architecte n’est donc pas engagée.
Les époux Z forment un pourvoi en cassation.
Ils soutiennent deux arguments :
- En application de la responsabilité des constructeurs (article 1792 du Code civil), seule la cause étrangère est exonératoire de responsabilité,
Or, le fait de conseiller une étude de sol finalement non réalisée n’est pas exonératoire de responsabilité.
- L’architecte est exonéré de responsabilité uniquement en cas d’acceptation délibérée des risques encourus après conseil donné.
A votre avis, ont-ils obtenu gain de cause ?
La réponse est oui.
Dans cet arrêt du 15 février 2024, la Cour de cassation juge (RG n° 22 – 23. 682) :
- L’architecte doit proposer un projet réalisable en tenant compte des contraintes du sol.
Les plans du permis de construire sont des documents opérationnels, ils doivent donc permettre la réalisation effective d’une construction.
Or, ici le sinistre est survenu précisément car il n’avait pas été tenu compte des contraintes du sol.
- L’architecte doit parfaitement mettre en garde le maître de l’ouvrage des risques encourus à défaut de suivre ses conseils (en l’occurrence ici le risque d’effondrement).
Ici, l’architecte avait averti ses clients la nécessité d’une étude de sol mais pas des risques concrets encourus en son absence.
L’assureur de l’architecte devra donc indemniser les maîtres de l’ouvrage.
Moralité
S’agissant non pas d’une maison de rêve mais d’une construction réelle, l’architecte ne pouvait pas accepter de travailler sans étude de sol préalable.
La cour de cassation est sévère. Ici l’architecte avait averti ses clients de la nécessité d’une étude de sol mais la cour a estimé que ça n’était pas suffisant. En pareil cas il est donc nécessaire de refuser la mission, sauf à risquer d’engager sa responsabilité.