Autorisation judiciaire de cession de bail commercial

Nov 6, 2024 | Bail, Les chroniques de la Justice | 0 commentaires

 Le diable est dans les détails !

Ou comment une cession de fonds de commerce vire à l’imbroglio juridique du fait de l’opposition du bailleur, propriétaire des murs du commerce.

 

En 2009, Monsieur J donne à bail commercial son local à Monsieur B pour une activité de primeur, crémerie, cave à vin et épicerie fine ainsi que dépôt de pain.

 En 2014, Monsieur B, le locataire, signe une promesse de cession de son fonds de commerce au profit de Madame Z et Monsieur Y ou toute personne physique ou morale pouvant se substituer à eux.

 Dans le bail figurent toutefois une clause prévoyant l’agrément préalable et par écrit du cessionnaire par le bailleur.

 Et le bailleur Monsieur J refuse de donner cet agrément.

 B saisit donc la Justice et le juge des référés, estimant le refus d’agrément illégitime, autorise, en janvier 2015, la cession du bail et du fonds de commerce au profit de Madame Z et Monsieur Y.

 En février 2016, Madame Z et Monsieur Y créent la société V.

 Et c’est cette société qui va signer l’acte de cession de fonds de commerce.

 Quelque temps plus tard, en juin 2015, la société V entreprend d’assigner le bailleur aux fins d’obtenir une déspécialisation partielle.

 En effet, elle souhaite adjoindre à l’activité autorisée une nouvelle activité, qu’elle estime connexe, à savoir de la petite restauration consistant à déguster les bières offertes à la vente et à proposer des plats froids en accompagnement.

 Le bailleur est opposé à cette demande.

 Et il demande au contraire de faire constater que la société est occupante sans droit ni titre puisque l’autorisation de cession de fonds de commerce et par suite de cession de bail avait été donnée par le juge des référés au profit de Madame Z et Monsieur Y et non pas au profit de la société, qui n’existait pas au moment de l’ordonnance de référé.

 Le tribunal judiciaire et la cour d’appel ne suivent toutefois pas le bailleur, jugeant que la promesse de cession prévoyait une faculté de substitution et que l’acte définitif de cession avait été réalisé au profit de la société elle-même.

 Les juges constataient que la cession avait été notifiée au bailleur par acte d’huissier de justice, publiée dans un journal d’annonces légales ainsi qu’au BODACC, la cession était donc parfaitement régulière et opposable bailleur.

 Mécontent, le bailleur forme un pourvoi en cassation.

 Il plaide que la cession du bail commercial étant soumis à son agrément, agrément que la société n’avait pas obtenu, la cession était irrégulière et inopposable.

À votre avis, a-t-il obtenu gain de cause ?

 La réponse est oui.

 Dans cet arrêt du 16 novembre 2023 (RG n° 22 – 17. 567), la Cour de cassation casse l’arrêt d’appel.

 La Cour de cassation rappelle tout d’abord que les parties un bail commercial peuvent subordonner la cession du droit au bail et à l’acquéreur du fonds de commerce à l’accord préalable écrit du bailleur et que le preneur peut se faire autoriser par la justice à passer outre un refus injustifié.

 La cour d’appel avait constaté que le juge des référés avait autorisé la cession du bail commercial au profit de particuliers non au profit d’une société.

 Le bailleur n’avait donc pas donné son agrément pour une cession à la société.

 Dans ces conditions, la société est donc effectivement occupante sans droit ni titre faute d’avoir obtenu l’agrément du bailleur lors de la cession du fonds de commerce.

 

Un conseil :

Il est indispensable de suivre scrupuleusement les termes du bail.

 En effet si le bailleur n’a pas le droit d’interdire la transmission du droit au bail en cas de transmission du fonds de commerce en revanche, il peut stipuler dans le contrat de bail une clause d’agrément. Cette clause d’agrément doit scrupuleusement être respectée.

 Et en cas de refus injustifié le preneur vendeur de son fonds de commerce peut saisir la justice pour obtenir une autorisation de cession de fonds de commerce incluant la cession du droit au bail passé ainsi outre le refus du bailleur. Et si dans l’acte de cession de fonds de commerce est stipulé une clause de substitution Il est conseillé de prévoir que l’autorisation de cession sera au profit des bénéficiaires de la cession ou de toute personne pouvant s’y substituer.

 C’est important car sans bail, le fonds de commerce ne vaut plus grand-chose…