Cession de fonds de commerce et présence du bailleur

Avr 1, 2025 | Bail, Les chroniques de la Justice | 0 commentaires

 

 

« La forme c’est le fond qui remonte à la surface » disait Victor Hugo

 

Je vous raconte cette semaine l’histoire d’un locataire d’un bail commercial qui cède son fonds de commerce et par suite son bail, sans avoir recours aux services d’un notaire.

 Et ça va poser une très grosse difficulté !

 En janvier 1998, Monsieur Z donne à bail commercial à la SARL R un immeuble dans la région de Tarascon pour l’exploitation d’une activité d’hôtellerie, pour une période classique de neuf années.

 En avril 2018, alors que le bail s’est tacitement prolongé, le locataire sollicite le renouvellement du bail pour une durée de neuf ans.

 En janvier 2021, le bailleur fait délivrer à son locataire un congé d’un prêt à usage portant sur un garage.

 Le locataire conteste ce congé et saisit la justice.

 En janvier 2022, le locataire cède son fonds de commerce à la SASU W.

 Il est précisé dans ce contrat de cession que le bail commercial a été consenti par Monsieur Z et qu’il a également « loué gracieusement » un garage pendant de nombreuses années mais qu’il n’entend pas renouveler son offre et qu’il récupère donc son garage.

 Un avenant à l’acte de cession du fonds de commerce revient sur cette déclaration et précise que la société cessionnaire entend bénéficier du garage qu’elle considère comme faisant partie intégrante du bail commercial.

 Elle intervient donc volontairement à l’instance en contestation du congé.

 Le bailleur conteste alors sa qualité à agir en indiquant que la cession du fonds de commerce lui est inopposable.

 Il précise en effet que le contrat de bail stipule que la cession de fonds de commerce doit intervenir par acte authentique et que le bailleur doit être invité à participer à cet acte, ce qui n’a pas été le cas en l’espèce.

 Et les juges donnent raison au bailleur jugeant :

  •  Cette clause du bail parfaitement valable,
  • Qu’elle n’a pas été respectée dans le cadre de la cession,

  avec pour conséquence l’inopposabilité de la cession au bailleur.

 Mécontent, la cessionnaire forme un pourvoi cassation.

 Elle plaide que la clause, qui impose la présence obligatoire du bailleur à tout acte de cession qui sera conclue obligatoirement par acte authentique, a nécessairement pour effet d’investir le bailleur d’un pouvoir d’opposition et de veto sur toute cession qui lui serait proposé. Il pourra ainsi s’opposer à la cession en refusant de participer à l’acte.

 

Or, sont réputées non écrites, en vertu de l’article L 145 -16 du code de commerce, les conventions tendant à interdire au locataire de céder son bail à l’acquéreur de son fonds de commerce.

 

À votre avis, a-t-elle obtenu gain de cause ?

 La réponse est non.

 Par arrêt du 13 mars 2025 (RG n° 23 – 23. 372), la Cour de cassation rejette le pourvoi.

 Elle juge qu’est valable la clause qui impose au locataire d’établir tout acte de cession par acte authentique, le bailleur dûment appelé à participer à cet acte.

 Par suite dès lors que la Cour d’appel constate que cédant et cessionnaire n’ont pas respecté cette clause, la cession du fonds de commerce, comportant cession du droit au bail, est inopposable au bailleur.

 

 Un conseil  :

Il est indispensable de scrupuleusement respecter les formalités prévues par le bail lors de la cession du fonds de commerce ou de la cession du bail.

 À défaut, le bailleur serait fondé à opposer l’inopposabilité à son égard. Et la conséquence, c’est le cédant qui est toujours tenu des loyers et que le cédant et cessionnaire doivent s’en remettre à justice pour tenter de sauver le bail.