Clause résolutoire et résiliation judiciaire d’un bail commercial
« Le mieux est l’ennemi du bien.
Je vous raconte cette semaine histoire d’un bailleur excédé des impayés de loyer de son locataire. Il entreprend donc une procédure aux fins de résiliation du bail commercial le liant à celui-ci.
Mais tout ne va pas se passer comme prévu, c’est le moins que l’on puisse dire.
Dans la région de Pau, deux sociétés signent un bail commercial prévoyant un loyer mensuel d’environ 3000 €HT, outre une provision sur charges près de 300 €.
La société locataire rencontre des difficultés et la bailleresse lui fait délivrer, en juillet puis en octobre 2018, deux commandements de payer visant la clause résolutoire insérée au bail.
Le litige porte essentiellement sur les charges d’eau consécutive à une surconsommation anormale liée elle-même à une fuite sur l’appareil de climatisation de la société preneuse.
La locataire ne s’acquitte pas dans le délai prévu par chacun de ses commandements la bailleresse l’assigne devant le tribunal aux fins de faire constater la résiliation du bail et obtenir son expulsion.
Elle demande également, pour le cas le tribunal ne refuserait de constater que la clause résolutoire est acquise, de prononcer la résiliation judiciaire du bail.
Le tribunal refuse de faire droit à ses demandes et rejette ainsi les prétentions de la bailleresse.
Celle-ci relève appel et reprend l’intégralité de ses demandes.
Toutefois, la cour d’appel rejette à nouveau la demande mais constate la résiliation judiciaire du bail. Elle estime qu’en présence de deux commandements de payer et en l’absence de précision de la bailleresse sur la date à laquelle elle estime le bail résilié, sa demande peut être accueillie.
Elle prononce par ailleurs la résiliation du bail retenant une dette de plus de 7800 € du preneur à l’égard de la bailleresse à la date du dernier commandement de payer.
Elle condamne le preneur à verser une indemnité d’occupation équivalente au montant du loyer et la provision sur charges à compter de sa décision jusqu’à libération des lieux.
Mécontents, bailleresse et preneur forment un pourvoi en cassation.
La bailleresse reproche la cour d’appel de ne pas avoir accepté de constater la résiliation du bail en application de la clause résolutoire. La cour d’appel selon elle n’avait en effet pas le pouvoir de refuser de faire ce constat, peu importe que la bailleresse n’aurait pas précisé la date à compter de laquelle la résiliation devait intervenir.
Le preneur, quant à lui, conteste la résiliation judiciaire du bail se fondant sur l’ancien article 1184 du Code civil qui prévoit qu’une résiliation peut intervenir sur constat de la gravité du manquement de l’une des parties à ses obligations. Or ici la cour d’appel n’a pas constaté la gravité du manquement de la locataire.
À votre avis, ont-t-elles obtenu gain de cause ?
Dans cet arrêt du 27 février 2025 (rg N)23-17.898), la réponse est non pour la bailleresse et oui pour la locataire.
À l’égard de la bailleresse, la Cour de cassation approuve la cour d’appel d’avoir considéré qu’on ne pouvait constater l’acquisition de la clause résolutoire insérée au bail alors que la bailleresse elle-même ne précise pas la date à laquelle la résiliation devait intervenir.
À l’égard du preneur, elle juge que la cour d’appel aurait dû rechercher si le non-paiement du loyer et des charges était un manquement suffisamment grave pour justifier la résiliation judiciaire du contrat.
Dans ces conditions, l’affaire est renvoyée devant une autre cour d’appel qui se prononcera ce sujet.
Cela laisse du temps à la locataire pour acquitter sa dette et ainsi sauver son bail.
Un conseil pour les gestionnaires de baux :
Demander à une juridiction de prononcer la résiliation judiciaire du bail c’est lui laisser la possibilité d’apprécier si celle-ci est méritée ou non créant ainsi un aléa judiciaire pour le bailleur.
Au contraire, il est plus judicieux de privilégier une demande de constat de la résiliation du bail à la suite de la clause résolutoire insérée à celui-ci.
Mais dans ces conditions le mieux est l’ennemi du bien un seul commandement suffit. S’il est nécessaire de faire délivrer un second commandement pour un quelconque problème de nullité du premier dans ce cas-là il conviendra d’indiquer que le second annule et remplace le premier point.