Découverte d’une servitude et garantie du vendeur
Les mots ont un sens.
En voici une illustration.
Je vous raconte cette semaine l’histoire d’une acheteuse qui découvre l’existence de canalisations passant sous sa cuisine et desservant plusieurs immeubles.
Tenue dans l’ignorance de servitude par ses vendeurs, elle engage une action à leur encontre pour obtenir la résolution de la vente.
Le chemin sera, pour le moins, semé d’embûches.
En avril 2015, Madame K vend à Monsieur et Madame J une maison d’habitation située dans la région de Cahors et au prix de 90 000 €.
Cette maison provenait de la division d’un ancien bâtiment à usage agricole appartenant à la famille de Madame K.
En 2017, Monsieur et Madame J revendent la maison à Madame R.
Postérieurement à son acquisition, Madame R découvre l’existence d’une canalisation d’eaux usées et d’eaux pluviales passant sous sa cuisine et commune à quatre logements.
Elle entend donc obtenir la résolution de la vente.
Le tribunal judiciaire de Cahors lui donne raison et prononce la résolution de la vente pour servitude cachée non déclarée.
Il retient que cette servitude pesait lourdement sur le fond du fait qu’elle était de nature à empêcher la réalisation de travaux.
Le tribunal condamne donc les vendeurs à restituer le prix de vente, outre des dommages et intérêts, et les vendeurs obtiennent eux-mêmes la garantie partielle de Madame K, leur propre venderesse, qui ne les avait pas avertis de l’existence de cette servitude.
Monsieur et Madame J relèvent appel de la décision.
Et grand bien leur en fasse puisque la cour d’appel leur donne raison.
La cour d’appel estime en effet que les vendeurs n’étaient pas tenus à garantie en présence d’une clause dans l’acte de vente.
Il y était indiqué que l’acquéreur prendrait le bien dans l’état où il se trouve au jour de la vente et qu’il n’aurait aucun recours contre le vendeur pour quelque cause que ce soit et notamment en raison de vices apparents ou de vices cachés.
La cour d’appel estime que l’adverbe « notamment » n’est qu’un exemple des garanties objet de l’exonération et que l’absence de garantie vaut tant pour la garantie des vices apparents et cachés que pour la garantie d’éviction.
La vente n’est donc plus résolue et Madame R se retrouve avec la maison sur les bras.
Mécontente, elle forme un pourvoi cassation.
Elle plaide que la garantie d’éviction vise à protéger l’acquéreur contre les droits que des tiers peuvent avoir ou revendiquer sur le bien cédé et ne porte donc pas sur l’état du bien lui-même.
Dès lors la clause de non garantie de l’état du bien insérée au contrat de vente ne dispensait pas les vendeurs de garantir l’acheteuse contre l’existence d’une servitude non apparente.
À votre avis, a-t-elle obtenu gain de cause ?
La réponse est oui.
Dans cet arrêt du 13 février 2025 (RG n° 23 – 17. 636), la Cour de cassation casse l’arrêt d’appel.
Elle rappelle qu’aux termes de l’article 1638 du Code civil, si l’héritage vendu se trouve grevée sans qu’il en ait été fait la déclaration, de servitude n’apparente qu’elle soit telle importance qu’il y a lieu de présumer que l’acquéreur ne l’aurait pas acheté s’il en avait été instruit, l’acquéreur peut demander la résiliation du contrat ou le versement d’une indemnité.
Et cet article est une application du principe général de garantie d’éviction due par le vendeur à l’acheteur.
Dès lors, dès lors en s’appuyant sur une clause relative à l’état du bien alors qu’il s’agissait d’une garantie d’éviction la cour d’appel ses méprises.
L’affaire va donc retourner devant une autre cour d’appel pour être rejugée.
Un conseil pour les syndics :
la garantie d’éviction est une garantie que les parties peuvent aménager pour l’augmenter ou en diminuer l’effet voire pour la supprimer. Ce sera donc une question à évoquer dans l’acte. À défaut de mention expresse de renonciation à cette garantie, elle sera due.