Désordres de construction et indemnisation

Oct 23, 2024 | Construction/travaux, Les chroniques de la Justice | 0 commentaires

Quels recours quand les travaux sont mal faits ?

Faire construire ou rénover un bien immobilier est souvent un projet de vie. Mais lorsque les travaux sont mal exécutés, les conséquences peuvent être lourdes.

Heureusement, le maitre de l’ouvrage dispose de moyens d’action : mise en demeure de réparer, expertise judiciaire ou non, action contre le constructeur ou les assurances (décennale, dommages-ouvrage…).

Toutefois, l’indemnisation n’est pas toujours totale. Elle vise à replacer la victime dans la situation qui aurait été la sienne si le dommage n’avait pas eu lieu. Les frais qui relèvent de la simple qualité de propriétaire (charges, abonnements, emprunts) ne sont donc pas automatiquement remboursés. Il est essentiel de bien qualifier chaque préjudice pour faire valoir ses droits efficacement.

 Voici une illustration.

L’affaire : un copropriétaire privé de son logement neuf pendant 14 mois

La société C fait construire un immeuble collectif en vente en l’état futur d’achèvement (VEFA). Après la réception, des désordres apparaissent, notamment un défaut de planéité dû au fléchissement des dalles.

Une expertise judiciaire est ordonnée.

L’un des acquéreurs, dont l’appartement est concerné, rejoint la procédure et demande réparation pour :

  • Ses frais de relogement pendant les 14 mois de travaux,

  • Ses charges de copropriété,

  • Ses abonnements (électricité, gaz),

  • Les mensualités d’emprunt qu’il continue de rembourser.

Deux décisions divergentes : tribunal puis cour d’appel

Le tribunal fait droit à sa demande : près de 100 000 € d’indemnisation sont accordés, incluant tous les frais cités.

Mais en appel, la situation change : la cour estime que seuls les frais de relogement sont indemnisables. Les autres (emprunt, charges, abonnements) sont la contrepartie normale de la propriété, et ne peuvent être considérés comme des préjudices causés par les désordres.

La condamnation est réduite à 11 000 €.

La Cour de cassation confirme (arrêt du 11 juillet 2024, RG n° 23‑17.733)

Le copropriétaire forme un pourvoi.

Il invoque le principe selon lequel la propriété inclut le droit de jouir d’un bien. Ne pouvant occuper son logement pendant 14 mois, il estime avoir été privé de ce droit, tout en payant en pure perte ses charges habituelles.

Mais la Cour de cassation rejette le pourvoi.

Elle confirme :

  • Que les charges de copropriété, les frais d’abonnement, et les mensualités d’emprunt sont inhérents à la qualité de propriétaire, qu’il occupe ou non le logement,

  • Que ces frais ne sont pas liés directement aux désordres, ou font double emploi avec l’indemnité de relogement.

Le propriétaire ne peut donc pas obtenir le remboursement de ces sommes.


Mon conseil d’avocat spécialiste en droit immobilier

En cas de désordres de construction, seule la réparation du préjudice directement causé est possible. Le juge remet la victime dans la situation telle qu’elle aurait été sans le dommage. Cela signifie que les charges habituelles du propriétaire, même s’il ne peut habiter son logement, ne sont pas indemnisables, sauf clause ou situation particulière.

Pensez à vous faire assister par un professionnel pour bien qualifier chaque poste de préjudice, et ne pas surestimer vos chances d’indemnisation.