Indemnité d’éviction et indemnisation de préjudices

Sep 8, 2024 | Bail, Les chroniques de la Justice | 0 commentaires

Indemnité d’éviction : jusqu’où va l’indemnisation du locataire commercial ?

Qu’est-ce qu’une indemnité d’éviction ?

L’indemnité d’éviction est une somme due par le bailleur à son locataire commercial lorsque ce dernier refuse le renouvellement du bail sans motif légitime. Elle vise à réparer intégralement le préjudice subi par le locataire du fait de son éviction : perte du local, du chiffre d’affaires, du droit au bail, voire parfois atteinte à sa réputation.

Tant que cette indemnité n’est pas versée, le locataire bénéficie du maintien dans les lieux et reste protégé par les clauses du bail initial. Toute atteinte à ses droits dans cet intervalle engage la responsabilité du bailleur. Le locataire évincé n’est donc jamais “sans droit” avant le paiement effectif.

Voici une illustration fondée sur une histoire vraie.

Une enseignante de golf évincée… et lésée par son bailleur

En 1988, l’association B, en Auvergne, confie à Madame T l’exclusivité de l’enseignement du golf sur son site, en lui mettant à disposition les terrains et locaux nécessaires.

En 1990, un bail commercial est signé pour l’exploitation d’un commerce de vente et réparation de matériel de golf.

En 2017, l’association délivre un congé sans offre de renouvellement, avec effet au 31 décembre 2017.

Elle saisit ensuite le tribunal pour faire fixer l’indemnité d’éviction, qui est arrêtée à 45 000 €.

La locataire dénonce les fautes du bailleur… mais la cour d’appel limite son indemnisation

Madame D, locataire, fait appel. Elle dénonce plusieurs fautes du bailleur avant la date de congé :

  • Mise à disposition des practices de golf à d’autres enseignants,

  • Refus d’accès à ses propres installations,

  • Retrait de ses machines distributrices de balles.

La cour d’appel reconnaît les fautes, mais limite l’indemnisation à la date du congé (31 décembre 2017), estimant que Madame D était occupante sans droit ni titre après cette date.

La Cour de cassation rétablit les droits du locataire (arrêt du 16 mai 2024, RG n° 22–22.906)

Madame D forme un pourvoi en cassation.

Elle rappelle qu’elle bénéficie du maintien dans les lieux tant que l’indemnité d’éviction n’a pas été payée, conformément à l’article L.145-28 du Code de commerce.

La Cour de cassation lui donne raison :

  • Elle casse l’arrêt d’appel, rappelant que la locataire n’était pas sans droit ni titre, mais toujours sous la protection du bail initial.

  • Les atteintes commises par le bailleur postérieurement au congé ouvrent donc droit à indemnisation complémentaire, notamment pour perte de chiffre d’affaires.

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L’indemnité d’éviction ne se limite pas à la perte du local. Elle couvre tout le préjudice subi jusqu’à son paiement effectif. Le locataire reste juridiquement protégé tant que l’indemnité n’est pas versée.

Bailleurs : ne prenez jamais l’initiative de réduire les droits du locataire avant d’avoir payé l’indemnité.

Locataires : en cas de congé sans renouvellement, protégez scrupuleusement vos droits. Toute entrave injustifiée à votre activité peut être indemnisée en plus de l’éviction.