Non respect des normes accessibilité handicapés
« La responsabilité civile : il faut réparer le mal, faire ce qu’il semble n’avoir été qu’un rêve. » disait J. Carbonnier (grand juriste, éminent professeur de droit civil).
Je vous raconte cette semaine l’histoire d’une SCI qui fait construire un immeuble lequel s’avérera non conforme aux normes d’accessibilité handicapé en vigueur.
En 2006 dans la région de Reims, la SCI G confie à la société d’architecture C la maîtrise d’œuvre complète des travaux de construction d’un immeuble composé d’un local professionnel au rez-de-chaussée (pour l’activité de chirurgien-dentiste de ses gérants) et de deux logements d’habitation à l’étage.
Les travaux débutent et en cours de chantier, la SCI a des doutes et mandate un bureau de contrôle.
Le bureau de contrôle conclut à l’existence de différentes malfaçons.
La SCI saisit la justice pour faire désigner un expert judiciaire.
Et l’expert judiciaire conclut au non-respect des normes d’accessibilité handicapés du fait de l’absence d’ascenseur.
La SCI saisit le tribunal qui déclare la société d’architecture responsable des désordres et condamne son assureur de responsabilité civile au paiement des travaux de reprise lesquelles implique la démolition reconstruction de l’immeuble.
L’assureur relève appel mais il est condamné sensiblement dans les mêmes termes.
La note étant particulièrement salée (1,2 million d’euros), l’assureur forme un pourvoi en cassation.
- L’installation d’un ascenseur n’était pas obligatoire,
- Le manquement à l’obligation de conseil se résout par des dommages-intérêts à hauteur des préjudices réellement subis. Or le désordre n’empêchait pas l’exploitation de l’immeuble,
- La méconnaissance d’une norme relative à l’installation d’un ascenseur qui n’était pas prévue contractuellement n’est pas un défaut de conformité au contrat et ne peut donc permettre de condamner le constructeur à la mise en conformité l’immeuble,
- La démolition et la reconstruction d’un ouvrage non conforme à une norme ne peut être ordonnée que s’il est proportionné à la gravité de la non-conformité. Or ici la SCI ne subit aucun préjudice du fait de l’absence d’ascenseur,
À votre avis, a-t-il obtenu gain de cause ?
La réponse est non.
Dans cet arrêt du 5 septembre 2024 (RG n° 21 – 21. 970), la Cour de cassation rejette le pourvoi.
Elle approuve la cour d’appel d’avoir considéré qu’au regard de la configuration du bâtiment l’ascenseur était obligatoire.
Elle retient que l’architecte est contractuellement tenu à l’égard du maître de l’ouvrage de concevoir un bâtiment d’habitation satisfaisant aux normes applicables en matière d’accessibilité aux personnes handicapées. Dans ces conditions, le défaut de conception engage sa responsabilité.
Elle approuve enfin la cour d’appel d’avoir considéré que seule la démolition reconstruction était envisageable au regard des conclusions du rapport d’expertise.
Le paiement d’une indemnité correspondant au coût de la démolition reconstruction n’était donc nullement disproportionné au regard de la non-conformité réglementaire constatée.
Moralité :
Le maître mot est la vigilance : l’architecte avait manqué à son devoir de conseil en n’informant pas la SCI de la nécessité de doter l’immeuble d’un ascenseur.
Son assureur devra ainsi en assumer toutes les conséquences et payer la démolition puis la reconstruction d’un immeuble cette fois-ci conforme aux normes y compris le coût de fourniture d’installation d’un ascenseur qui n’avait pas été prévu dans le contrat initial.