Vente et délai des conditions suspensives

Juil 16, 2024 | Les chroniques de la Justice, Vente immobilière | 0 commentaires

«Compromis, chose due » comme disait Coluche.

Je vous raconte cette semaine l’histoire d’une agence immobilière, fort mécontente de ne pas avoir été réglée de ses honoraires (70.000 € hors-taxes) à la suite de son intervention dans le cadre d’une vente.

Le cabinet D est une agence immobilière. Le 8 février 2018, il signe avec Monsieur T un mandat de recherche, soit d’un fonds de commerce de bar brasserie, soit de parts d’une société propriétaire d’un tel fonds.

Ayant d’ores et déjà dans son portefeuille un tel bien, l’agence immobilière signe le même jour avec Monsieur T une décharge de mandat dans laquelle Monsieur T indique que le bien présenté lui convient, et qu’il s’oblige à verser à l’agence immobilière un honoraires de 70 000 € hors-taxes.

Le 24 avril 2018, vendeur (société L) et acheteur (Monsieur T) signent un protocole dans lequel Monsieur T s’engage à acquérir les parts de la société L sous réserve de conditions suspensives de prêt et de mainlevée de nantissement.

Monsieur T y réitère son engagement de payer l’agence.

Mais finalement, Monsieur T n’acquiert pas le bien.

Il ne se présente pas au rendez-vous notarié.

L’agence immobilière met Monsieur T en demeure de lui verser ses honoraires.

Sans réponse satisfaisante de M. T, l’agence l’assigne en justice devant le tribunal judiciaire de Lisieux.

Le tribunal rejette toutefois les demandes de l’agence, qui relève appel.

Et grand bien lui en fasse !

La cour d’appel condamne Monsieur T à lui verser la somme de 84 000 € à titre de dommages et intérêts.

Elle retient que toutes les conditions suspensives avaient été levées.

Monsieur T est donc responsable de l’absence de vente, laquelle cause à l’agence un préjudice à savoir la perte de ses honoraires.

Fort mécontent, Monsieur T forme un pourvoi en cassation.

Devant la Cour de cassation, il soutient que la cour d’appel ne pouvait le condamner alors que les conditions suspensives avaient été levées plus d’un mois après la caducité de la promesse de vente (en l’occurrence le 12 décembre 2018 alors que le délai convenu de la promesse était le 30 septembre 2018).

La promesse de vente n’existant plus, son refus de réitérer l’acte n’était donc pas fautif.

À votre avis, a-t-il obtenu gain de cause ?

La réponse est oui.

Dans cet arrêt du 20 juin 2024 (RG n° 23 – 12. 106), la Cour de cassation casse l’arrêt d’appel.

Elle rappelle qu’aux termes de l’article 1304 – 6 alinéa 3 du Code civil, en cas de défaillance de la condition suspensive, l’obligation est réputée n’avoir jamais existé.

Autrement dit, si une des conditions suspensives n’est pas levée, par exemple la condition financement par suite d’un refus de prêt, il n’y a plus d’obligation d’acquérir.

La cour d’appel aurait dû considérer la date à laquelle les conditions suspensives devaient être levées :

  • Si à la date prévue par l’acte, elles l’étaient, Monsieur T est fautif,
  • si elles ne l’étaient pas, Monsieur T n’a rien à se reprocher

 Moralité

    Une promesse de vente est un acte engageant, il est nécessaire de suivre scrupuleusement ses indications.

    À défaut, une indemnité conséquente peut être due par le fautif.