Vente immobilière et assurance : attention à l’indemnité
Que se passe-t-il quand l’acquéreur ne réalise pas les travaux pour lesquels une indemnité d’assurance a été versée au vendeur ?
La réponse est claire : il peut être contraint de restituer l’indemnité non utilisée, même s’il n’a pas reçu directement les fonds. C’est ce que nous rappelle un arrêt récent de la Cour de cassation.
Le contexte
En 2009, Monsieur X achète une villa à Aix-en-Provence au prix de 170 000 €, alors qu’elle était initialement affichée à 636 000 €.
Une excellente affaire en apparence… mais qui cachait un risque!
La villa faisait l’objet d’un arrêté de péril et d’évacuation. Construite en 2002 dans une copropriété de deux lots, elle présentait rapidement des risques d’effondrement liés à des murs bétoflor.
L’indemnité d’assurance versée aux vendeurs
Des opérations d’expertise sont menées. Les vendeurs obtiennent de l’assureur dommages-ouvrage une indemnité de 175 000 €.
Cette indemnité, destinée à couvrir des désordres de nature décennale (en l’occurrence, le risque d’effondrement), n’est pas utilisée pour faire les travaux avant la vente.
Ce que précise l’acte de vente
L’acte mentionne clairement :
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l’existence de la procédure d’expertise,
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l’indemnité versée aux vendeurs,
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l’absence de réalisation des travaux,
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le maintien de la procédure à l’initiative des vendeurs,
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une réduction du prix de vente tenant compte des travaux restant à charge de l’acheteur.
Monsieur X accepte ces conditions et effectue des travaux… mais a minima, pour rendre la maison habitable, sans suivre les prescriptions de l’expert.
La réaction de l’assureur
Constatant que les travaux réalisés sont bien inférieurs à ceux prévus, l’assureur assigne Monsieur X pour obtenir la restitution partielle de l’indemnité d’assurance.
Il considère que l’indemnité devait être affectée aux travaux, et que la part non utilisée doit lui être restituée.
La décision des juridictions
L’assureur obtient gain de cause :
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d’abord devant le tribunal,
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puis en appel.
Monsieur X est condamné à restituer 136 000 €.
Le pourvoi en cassation
Monsieur X tente de renverser la décision avec trois arguments :
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Il n’a pas reçu les fonds, donc l’action en répétition d’indu ne peut être dirigée contre lui.
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L’assurance dommages-ouvrage ne s’est pas transmise à lui avec la créance.
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L’assureur, tiers au contrat de vente, ne pouvait se prévaloir d’une réduction de prix consentie pour les travaux.
L’arrêt de la Cour de cassation
13 avril 2023 – RG n°19-24.060
La Cour rejette le pourvoi.
Elle constate que :
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l’acquéreur a bénéficié d’une réduction de prix équivalente à l’indemnité,
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la charge des travaux lui a été transférée.
Dès lors, Monsieur X doit restituer à l’assureur la part non utilisée de l’indemnité, même s’il n’en a pas perçu le versement initial.
Ce qu’il faut retenir
Acheter un bien affecté de désordres indemnisés impose une vigilance absolue.
Si une indemnité a été versée pour des travaux non réalisés, l’acquéreur ne peut pas librement en profiter. Elle est affectée à ces travaux, même en cas de réduction de prix.
En résumé
Monsieur X pensait acheter une maison à prix réduit, avec la liberté de faire les travaux de son choix.
En réalité, il achetait une maison avec obligation de réaliser des travaux de reprise à hauteur de l’indemnité versée.
Ce qu’il croyait être une bonne affaire s’est soldé par une restitution de 136 000 €.