Désordres de construction en copropriété

Juin 18, 2024 | Construction/travaux, Copropriété, Les chroniques de la Justice | 0 commentaires

« Il pleut, il pleut Bergère,
Rentre tes blancs moutons dit la chanson de Nino Ferrer.

Dans l’histoire que je vous raconte aujourd’hui, Monsieur L serait bien en peine de le faire car c’est à l’intérieur de son appartement qu’il pleut.

Et il aimerait bien que cela cesse.

Le 6 novembre 2003, Monsieur L acquiert en l’état futur d’achèvement un appartement et un emplacement de parking en Polynésie française.

La livraison intervient fin 2004.

Très vite, Monsieur L formule des réserves après réception, signalant notamment des décollements de peinture des parois et des désordres sur les évacuations d’eau.

Il fait une déclaration de sinistre à son assureur concernant des infiltrations d’eau par le plafond et de reprise de la climatisation inachevée.

Son assureur diligente une expertise et conclut que les infiltrations proviennent de malfaçons au niveau de l’étanchéité des acrotères de terrasse et de défaut d’étanchéité en façade.

Il estime que les peinture des plafonds et murs de l’appartement sont à refaire en totalité après que le promoteur ait traité l’origine des infiltrations.

Et ces infiltrations relèvent de la responsabilité décennale des constructeurs.

Le clos et le couvert ne sont pas assuré l’appartement est propre à sa destination.

L’appartement est alors inhabité et le maintien en l’état suppose l’intervention de Monsieur L qui vient vider les sous et les bassines très régulièrement.

Il n’y a pas d’obligation de souscrire une assurance décennale en Polynésie française les travaux doivent être avancés par le promoteur à charge pour lui d’aller chercher les responsables.

Tout ne se passe pas pour le mieux dans le meilleur des mondes et Monsieur L est contraint d’assigner en justice le promoteur.

Il demande non seulement le paiement des travaux de reprise dans son appartement et l’indemnisation du préjudice de jouissance subi mais également le paiement des travaux permettant de mettre fin aux infiltrations en provenance de la terrasse, partie commune.

Le tribunal tout comme la cour d’appel font droit ses demandes.

Ils jugent que Monsieur L peut effectivement valablement demander le coût des travaux de réfection de l’étanchéité de la terrasse de l’appartement supérieur au sien, même si c’est une partie commune, car :

  • il justifie un préjudice personnel du fait de la dégradation de son propre lot par des infiltrations d’eaux pluviales
  • qu’il a qualité pour agir en réparation de troubles à la fois collectifs et privés
  • alors que le syndicat des copropriétaires est resté totalement inactif.

Le promoteur est alors condamné à verser une somme de 26 millions de francs CFP à Monsieur L , (environ 220.000 €). dont 2 millions au titre de la réfection de la terrasse.

Le promoteur forme un pourvoi en cassation.

Il soutient que Monsieur L ne pouvait obtenir une indemnisation pour la réparation des désordres affectant la terrasse qui est une partie commune, seul le syndicat des copropriétaires pouvant y prétendre.

À votre avis, le promoteur a-t-il obtenu gain de cause ?

La réponse est oui.

Dans cet arrêt du 7 mars 2024 (RG n° 17 – 28. 537), la Cour de cassation casse l’arrêt d’appel.

La Cour de cassation se fondant sur les articles 1240 du Code civil 14 et 15 de la loi du 10 juillet 1965 juge que si un copropriétaire peut, lorsque l’atteinte portée aux parties communes, par un tiers à la copropriété, lui cause un préjudice propre, agir seul pour le faire cesser, il n’a pas qualité à agir en paiement du coût des travaux de remise en état rendue nécessaire par cette atteinte.

Il revient au seul syndicat des copropriétaires de percevoir et d’affecter la somme perçue à la rénovation de ces travaux.

L’arrêt est donc cassé en ce qu’il a alloué une somme à Monsieur L pour la réparation des travaux en parties communes.

En effet, seul le syndicat des copropriétaires peut réaliser les travaux sur les parties communes.

A retenir

Dans une hypothèse pareille, le copropriétaire devra assigner le syndicat des copropriétaires en réalisation des travaux, à charge pour ce dernier de se retourner contre le promoteur.

Avec pour conséquence que si le syndicat des copropriétaires n’agit pas contre le tiers, la charge des travaux lui restera.