« On hasarde de perdre en voulant trop gagner ». Citation de la fable de Jean de la Fontaine : « le Héron »
Ou quand l’entêtement conduit à une situation obérée.
Je vous raconte cette semaine l’histoire du preneur d’un bail commercial dont le bailleur souhaite vendre l’immeuble entier.
L’immeuble est composé d’un rez-de-chaussée et deux étages.
Le preneur bénéficie d’un contrat de bail commercial pour le rez-de-chaussée et le 1er étage.
Le contrat stipule une clause accordant un droit de préférence au profit du preneur en cas de vente de l’immeuble dans son entier.
Le 29 novembre 2016, le bailleur signifie au preneur une offre d’achat de l’immeuble entier pour la somme de 745.000 €, frais d’agence inclus.
Le preneur demande quel est le prix de vente hors frais d’agence.
Le 22 mars 2017, le bailleur signifie à son locataire le compromis de vente.
Le 27 mars 2017, le locataire répond qu’il entend acquérir l’immeuble au prix de 700.000 €, les frais d’agence n’étant pas dus, selon lui, du fait de l’application du droit légal de préférence prévu par l’article L145-46-1 du code de commerce.
Et le 31 mars 2017, le bailleur lui répond que le droit légal de préférence n’est pas applicable.
En effet, celui-ci s’applique quand le bailleur vend uniquement le local objet du bail.
Or, ici, le bailleur vend l’intégralité de l’immeuble.
Et il lui précise qu’en application du droit conventionnel de préférence, pour acquérir, il doit se substituer à l’acheteur dans l’intégralité de ses obligations c’est-à-dire celle de paiement du prix de vente et des frais d’agence.
Le preneur n’entend pas l’argument et assigne son bailleur en justice pour faire constater que la vente est parfaite.
Il est débouté par le tribunal puis par la Cour d’appel.
Mécontent, le preneur forme un pourvoi en cassation.
Il soutient que les honoraires de l’agence ne sont pas dûs, dès lors qu’aucun intermédiaire n’est nécessaire ou utile pour réaliser la vente entre bailleur et preneur.
A votre avis, a-t-il obtenu gain de cause ?
La réponse est NON.
Dans cet arrêt du 28 septembre 2022 (3ème civ, 28.09.2022 n°21-18.007), la Cour de cassation approuve la Cour d’appel.
En effet, le contrat stipulait que pour exercer son droit de préférence, le locataire se substituait à l’acheteur dans ses droits et obligations et donc y compris dans le paiement de la commission d’agence.
Il y avait donc une subtilité dans cette affaire :
Dans le cadre du droit légal de préférence, les frais d’agence ne sont pas dus par le locataire.
Dans le cadre du droit conventionnel, cela dépend de la rédaction de la clause.